Cuba: plus cela change…

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Publié 13/02/2007 par Pierre Karch

Il y a un an, juste avant que nous retournions pour la énième fois à Cuba, on a annoncé dans la presse que Fidel Castro avait imposé de nouvelles directives: les Cubains qui travaillaient dans les hôtels pour touristes ne devaient plus engager de conversations avec ceux que le gouvernement traitaient dorénavant comme agents dangereux. Qu’on les serve, mais rien de plus. Il fallait même refuser tout pourboire.

Nous nous sommes alors dit que le service tomberait d’un cran.

Or, comme les hôtels de villégiature sont maintenus par des étrangers, rarement canadiens, le plus souvent espagnols, on a fait la sourde oreille aux directives du ministère du Tourisme. Tout s’est donc bien passé.

Un vent nouveau s’élève

Depuis que Raoul, le frère de Fidel, préside aux destinées du pays, les choses, nous dit-on, commencent à changer. Finis les discours publics interminables.

Le nouveau président a même rencontré quelque 800 universitaires pour leur dire qu’il était ouvert aux idées nouvelles, qu’il les encourageait de fait à se prononcer sur bien des sujets.

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«Un vent s’élève qui éparpille», dirait Jean Marc Dalpé.

L’atmosphère s’est donc dégagée, a-t-on alors cru, et le pays pourrait se lancer dans une voie nouvelle, un peu comme l’a fait la République populaire de Chine qui accepte le capitalisme, tout en pratiquant le communisme, ce qui est un tour de force, un oxymoron selon certains, mais qui semble servir ceux qui rêvent d’une vie nouvelle ou qui en profitent déjà.

Noël à Cuba en 2006

C’est avec ces renseignements en tête que nous sommes descendus de l’avion devant la trop petite aérogare de Santa Clara qui étire ses ailes pour accueillir à l’avenir plus confortablement des touristes surtout du Canada, mais d’ailleurs aussi.

Sourires aimables à l’immigration. «C’est votre première fois à Cuba?
– Oh non! C’est au moins notre vingtième fois. Et c’est la deuxième à Cayo Santa Maria.»

Mauvaise réponse. Mais on nous laisse entrer dans le pays.

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Aux douanes, on remarque que j’ai un sac plutôt lourd. Le sac est ouvert. On n’a qu’à regarder pour voir qu’il contient quantité de revues. Or, dans la réalité, s’il y a une chose qu’il ne faut pas répandre à Cuba, ce sont des idées nouvelles. Tout imprimé est suspect.

Touristes suspects

On me demande de délier la corde qui tient le paquet de revues proprement ensemble. On feuillette chaque revue, en relevant les yeux de temps en temps pour voir la tête que je fais. Je ne bronche pas, je ne montre aucun signe d’inquiétude ou d’impatience. On peut regarder et même tout lire.

Ce ne sont que des lectures de vacances que je ne ferais jamais chez moi, n’en ayant pas le temps: Vanity Fair, People, Oprah, Collectible Automobiles et Rotunda, la revue du Musée royal de l’Ontario. Le Dictionnaire philosophique de Voltaire est dans une valise, avec d’autres livres sérieux portant surtout sur le théâtre.

«Cadeaux?», demande-t-on, l’air de rien. La question est perverse. Si je réponds par l’affirmative, les revues seront aussitôt confisquées.

Enfant, j’ai eu à finasser avec combien d’adultes qui s’ingéniaient à me faire sortir les vers du nez. Je connais la chanson et le refrain me vient tout naturellement aux lèvres: «Deux semaines à Cuba, dans une île pratiquement déserte, à une heure de la terre ferme, comment voulez-vous que je passe mon temps?
– Une revue par jour?
– C’est cela.»

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Le petit bonjour; il les avait comptées. Il y en avait exactement quinze.

Chasse aux terroristes

Nous nous dirigeons vers la sortie. On nous y attendait. Alors que les autres Torontois passent sans difficulté, on nous retient sans explication une bonne demi-heure.

«Première fois à Cuba?» C’est la deuxième fois qu’on me pose cette question. Il s’agit d’un piège. Selon toute évidence, l’agent est renseigné. Ce n’est pas le moment de mentir. «Non, nous sommes venus souvent. Une vingtaine de fois, répétai-je, depuis 1982. La chemise que je porte a été achetée lors de notre premier voyage.»

Ma réponse fait sourire certains de nos compatriotes qui se demandent sans doute quel honneur on va nous accorder pour récompenser une fidélité aussi remarquable.

Le jeune poursuit: «Vous connaissez quelqu’un à Cuba?»
J’ai compris.
«Non, je ne connais personne.
– Attendez ici.»

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Le supérieur immédiat du jeune agent finit par venir. Conversation à voix basses. Je vois à sa mimique qu’il n’est pas très impressionné par la prise de son jeune camarade qui revient vers nous, déçu.

Il croyait sincèrement avoir trouvé un couple de terroristes dans la soixantaine qui aurait pu renverser le gouvernement, alors que durant nos deux semaines à Cuba nous n’avons même pas renversé une tasse de café ou encore moins un verre de vin espagnol blanc, rouge ou pétillant.

On reviendra…

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