Courir plusieurs lièvres à la fois

Premier roman de la Torontoise Karine Boucquillon-Davidson

Karine Boucquillon-Davidson, Les baleines pleurent aussi, roman, 2019, 260 pages, disponible sur amazon.ca
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Publié 22/03/2020 par Paul-François Sylvestre

Le premier roman de Karine Boucquillon-Davidson, Les baleines pleurent aussi, renferme plusieurs accents torontois.

Le personnage principal est chroniqueur francophone au quotidien bilingue de la Ville Reine. Il rencontre une partenaire au Salon du livre de Toronto. L’auteure écrit que la francophonie de Toronto est «bariolée et multicolore» et que la rue Queen est le pouls artistique de la capitale ontarienne.

Franco-Manitobain de naissance, Pierre Dumont a l’impression de passer sa vie à attendre que quelque chose se produise. Il souhaite partager sa vie avec «une femme qui fait fonctionner son cœur et sa tête plutôt que son décolleté et ses fesses».

Il décide impulsivement de se rendre en Chine pour surprendre une femme avec qui il a échangé sur un site de rencontre en ligne… Résultat: Pierre a été victime d’une supercherie.

Voyage intérieur

Le roman prend alors une tournure métaphysique, si je peux m’exprimer ainsi. Karine Boucquillon nous plonge dans un interminable cours de méditation pour nous montrer que cette forme d’introspection «offre la possibilité de trouver la seule et unique éternité possible, celle de l’être».

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Pierre passe d’un voyage touristique et amoureux à un voyage intérieur, mesurant l’ampleur de ses dysfonctionnements et apprenant comment s’en libérer.

La romancière fait dire à son protagoniste que, une fois de retour à Toronto, il entend terminer une recherche sur l’histoire de la francophonie torontoise. Il note aussi sa passion pour les relations entre le Québec et les communautés de langue française à travers le pays. Mais il n’y a pas de suivi. L’auteure rate aussi l’occasion d’explorer le coming out de la fille de Pierre.

Amérindiennes

Le roman prend un autre tournant lorsque le journaliste Dumont rencontre une intellectuelle d’origine iroquoise pour l’interviewer au sujet de son livre à succès sur les femmes amérindiennes qui étaient l’égales des hommes, mais qui ont été occultées par les historiens.

Libres, fortes et respectées, elles occupaient pourtant des rôles-clés dans tous les rouages de leurs communautés respectives, prenaient des décisions et exerçaient leurs nombreux talents.

De longs dialogues cherchent à démontrer qu’il y a eu «une volonté délibérée d’acculturation des premières nations. […] Les pouvoirs économiques, religieux et politiques sont de mèche pour maintenir cette situation.» Le roman annonce une vaste tournée pancanadienne de promotion du livre, mais la filière amoureuse relègue cela aux oubliettes.

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De toute évidence, Karine Boucquillon-Davidson a cherché à inclure plusieurs (trop) de ses préoccupations dans ce premier roman, notamment les bienfaits de la méditation, les dangers de la consommation avide de matérialisme, l’immense sagesse des femmes amérindiennes et les relations intrinsèques d’un couple. Elle a peut-être couru trop de lièvres à la fois.

Mise en page désastreuse

Ancien éditeur, j’ai souvent été irrité par la mise en page désastreuse de ce livre publié à compte d’auteure.

La transcription des dialogues brouille parfois la lecture, car ce qui est présenté comme une réplique est en fait un nouveau paragraphe dans la narration.

De plus, des règles élémentaires ne sont pas suivies, comme trop d’espace entre les mots d’une même ligne parce qu’il n’y a jamais de coupure, ou une page blanche à droite avec folio. Début pénible pour un premier ouvrage.

Il n’en demeure pas moins que Karine Boucquillon-Davidson a du talent pour camper des personnages empreints de chaleur et de profondeur. Il lui reste à trouver un éditeur professionnel.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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