Contre-culture et éducation sentimentale

Michel Lord, Le bain
Michel Lord, Le bain, roman, Bromont, Éditions de La Grenouillère, 2023, 88 pages, 24,95 $.
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Publié 12/04/2023 par Paul-François Sylvestre

Professeur émérite à l’Université de Toronto, Michel Lord vient de signer Le bain, une novella (court roman) qui fait écho aux premiers balbutiements de la contre-culture au Québec. On voit comment la société québécoise quitte l’ère de Duplessis pour découvrir sa véritable identité.

Le personnage principal est Philippe qui, au milieu des années 1960, avoue son homosexualité et se voit condamné par sa mère incapable de «concevoir que son fils fût à ce point maudit».

Une commune d’étudiants

Il quitte la Mauricie pour des études universitaires à Québec et rencontre Frédéric en 1972. C’est le coup de foudre.

Le bain met en scène un groupe d’étudiants qui vivent dans une commune et qui œuvrent à lancer la revue Regain Québec, «lieu de réflexion sur notre littérature depuis ses débuts».

Philippe entend disserter sur L’Influence d’un livre (1837), de Philippe Aubert de Gaspé qui est souvent considéré comme l’auteur du premier roman canadien-français.

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Autofiction?

Que le personnage principal porte le même prénom qu’Aubert de Gaspé n’est sans doute pas une coïncidence. Et que le protagoniste place L’Influence d’un livre «dans la tradition gothique» laisse croire que Michel Lord se cache derrière Philippe, puisqu’il a publié, en 1985, En quête du roman gothique québécois (1837-1860).

Né à Cap-de-la-Madeleine, qui fait maintenant partie de Trois-Rivières, l’auteur souligne qu’être gai (le mot n’existait pas encore) «était une tare, un péché, une maladie, un crime».

Lord / Philippe devait se trouver loin du foyer, dans une grande ville, pour être véritablement lui-même. Le bain serait-il une autofiction?

L’après-Révolution tranquille

En 1972, on est déjà dans une période d’après-Révolution tranquille. On vit des «années de fébrilité politique». Les jeunes de la commune croient sincèrement à l’indépendance du Québec. Ils ne doutent pas qu’ils vivront son avènement.

La préparation de la revue Regain Québec occupe une large part du court roman.

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Outre L’Influence d’un livre, le premier numéro prévoit parler, entre autres: de Si la bombe m’était contée (1962), un recueil de nouvelles d’Yves Thériault; de l’essai Le Canadien français et son double (1972) de Jean Bouthillette; de Demain matin, Montréal m’attend (1970) de Michel Tremblay; et du Refus global, «où l’on voit bien le lien entre le pictural et le littéraire».

Un journal intime

Philippe a tenu un journal intime depuis son adolescence. Il sent le besoin de revenir à cette pratique «de se confier à lui-même». La narration s’appuie sur de larges extraits du journal de bord tenu entre septembre 1971 et janvier 1973.

Entre les nombreuses réunions éditoriales, Philippe et Frédéric tentent de consolider leur relation amoureuse. Frédéric a une aventure avec un rival. Une séparation s’impose, mais les retrouvailles ne sont que plus intenses.

En l’espace d’à peine deux ans, les deux amants ont l’impression d’avoir vécu une expérience extraordinaire qui tenait du roman d’apprentissage. «Leur éducation sentimentale était sur la bonne voie. Ils baignaient dans la joie enfin retrouvée.»

Michel Lord

Michel Lord a été chroniqueur à la revue Lettres québécoises pendant près de quarante ans.

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Il est membre du collectif de XYZ La revue de la nouvelle et directeur adjoint de la revue University of Toronto Quarterly où il est responsable de l’édition en langue française.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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