Conclusion d’une épopée amoureuse

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Publié 22/03/2011 par Paul-François Sylvestre

L’an passé je vous ai fait connaître le romancier Michel David, auteur d’Un bonheur si facile. Le premier tome de cette saga figurait parmi mes coups de cœur de 2010. Aujourd’hui, je vous ramène dans le village de Saint-Paul-les-Prés pour la conclusion d’une superbe épopée amoureuse. Le tome 4 s’intitule justement Les amours. Michel David l’a terminé en juillet 2010 et il est décédé le mois suivant.

Nous sommes au printemps 1921. Les histoires des habitants de Saint-Paul-les-Prés s’entrecroisent toujours autour du magasin général et de l’église, la paroisse a accueilli un nouveau curé beaucoup plus charismatique que son prédécesseur et le patriarche Gonzague Boisvert demeure aussi avare et bougonneux qu’avant.

L’héroïne de la tétralogie, Corinne Boisvert, est maintenant veuve, seule à élever cinq enfants. Son aîné Philippe semble bien parti pour suivre les mauvaises traces de son défunt père. Sa fille Madeleine est devenue institutrice et a le béguin pour l’homme engagé qui vient de prendre possession d’un précieux héritage.

Les années 1921 et 1922 seront marquées par les amours de Madeleine, de Philippe et même de Corinne Boisvert. Les voisins célibataires n’hésitent pas à se rapprocher de la jeune veuve de 38 ans. Michel David écrit que Corinne «aimait la virilité de Ian, mais appréciait autant la gentillesse de Jocelyn que la tendresse de Rosaire». Comment choisir? Le romancier sait maintenir le suspense en multipliant les péripéties de flirtage.

Michel David sait surtout transposer son intrigue romanesque sur un léger fond historique qui nous permet de mieux saisir le contexte politique de l’époque. Il écrit, par exemple, que «depuis que les États ont voté la prohibition l’année passée, c’est devenu un péché mortel de boire un petit verre», sauf si la boisson a été «vendue par la régie des liqueurs de la province à partir du 1er mai» 1921. Quelques lignes plus loin, il est question de l’affaire de la petite Aurore Gagnon, mieux connue sous le nom d’«Aurore, l’enfant martyre».

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Le 6 décembre 1921, les Canadiens et Canadiennes vont aux urnes; ils cassent du pouvoir les conservateurs d’Arthur Meighen. Le romancier fait dire à un de ses personnages que «les bleus sont morts et pour longtemps dans la province avec le coup de cochon qu’ils nous ont fait avec la conscription. Des gars comme Meighen, qui ont pas de parole, leur chien est mort, remarquez ben ce que je vous dis là.»

Michel David excelle dans l’art de faire dialoguer ses personnages, le plus souvent sur un ton coloré. Lorsque Philippe commence à fréquenter la fille du garagiste, il découvre qu’elle n’est pas le genre à se laisser piler sur les pieds. La tante de Philippe n’est pas le moindrement surprise: «Si la petite a la moitié du caractère de sa mère, elle est armée pour lui faire manger de l’avoine un bon bout de temps.»

Et lorsque Corinne doit faire reconstruire l’étable suite à un incendie, elle voit se pointer son beau-père, fin prêt à lui prêter de l’argent… avec de gros intérêts. Elle l’éconduit poliment, non sans se dire que, «même sur son lit de mort, je suis presque sûre qu’il va essayer de faire de l’argent avec le prêtre qui va venir lui donner l’extrême onction!»

Comme toujours, Michel David sait nous offrir un savoureux portrait d’époque à travers des personnages plus grands que nature et des dialogues savoureusement croustillants. Une belle conclusion à cette grande saga architecturée et mise en scène par un maître de la narration disparu trop vite. 

Les quatre tomes d’Un bonheur si fragile sont: 1. L’engagement, 2. Le drame, 3.Les épreuves, 4. Les amours.

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Michel David, Un bonheur si fragile, tome 4, Les amours, roman, Montréal, Éditions Hurtubise, 2010, 536 pages, 29,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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