L’abbé Étienne Chartier est un homme peu connu des historiens, sauf par ceux qui se sont penchés sur la Rébellion de 1837-1838 dans le Bas-Canada. Ces derniers savent que, tout au long de sa vie, le curé Chartier a dérangé. Il a ferraillé avec les évêques, les notables et ses confrères du clergé. Il a prêché, il a beaucoup écrit, il a erré, jusqu’en Louisiane et en Acadie. C’est ce que nous apprend Gilles Boileau dans un ouvrage soigneusement documenté et intitulé Étienne Chartier: la colère et le chagrin d’un curé patriote.
D’abord journaliste, avocat et instituteur, Étienne Chartier veut devenir prêtre. Il reçoit une partie de sa formation théologique de l’abbé Rémi Gaulin, qui deviendra plus tard le premier évêque francophone du Haut-Canada (Ontario). À peine ordonné prêtre, il devient le premier directeur du collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, puis on lui confie des cures difficiles. Au moment de la Rébellion de 1837-1838, Chartier est curé de Saint-Benoît, près de Saint-Eustache, haut lieu de la résistance des Patriotes aux autorités britanniques.
Homme qui doute rarement de lui-même et de la justesse de ses actions ou de ses paroles, Chartier est constamment à couteaux tirés avec son évêque. «De refus en échec, d’échec en rebuffade, de rebuffade en remontrance, de remontrance en interdiction, Chartier passera par tous les niveaux de l’humiliation.» Mgr Lartigue, de Montréal, ira même jusqu’à écrire qu’il souhaiterait que son diocèse fût débarrassé de Chartier.
Lartigue entretient de nombreux préjugés qui l’empêchent de juger sereinement des requêtes de Chartier. Il lui envoie des lettres vengeresses. Le curé lui répond toujours, posant une fois la question suivante: «Est-ce que l’on ne peut pas imaginer qu’un prêtre puisse vouloir n’être pas l’esclave de son évêque sans néanmoins vouloir cesser d’être l’esclave de ses principes religieux et de ses devoirs?»
L’auteur de cette biographie précise que Chartier n’est pas le seul «esprit tordu» à être «abandonné à la perversité du cœur» de Mgr Lartigue. Gilles Boileau écrit que «Mgr Lartigue est partagé entre la colère et le chagrin.» Phrase ironique quand on sait que le sous-titre de son ouvrage est «la colère et le chagrin d’un curé patriote».