Chronique végétale de fin d’été

Vive les petits pois frais!

On trouve des petits pois frais au printemps et en été à Toronto.
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Publié 02/09/2019 par Lise Marie Baudry

Je veux partager avec vous une découverte torontoise improbable: les petits pois frais.

Oui, les petits orbes verts qui font l’objet d’une comptine irritante que je me retiens de citer. Je les ai découverts ici, à Toronto, il y a plus de 20 ans.

Bien sûr, j’ai mangé des petits pois dans mon enfance au Québec. Mais à cette époque – l’époque où il y avait trois choix de fromages au supermarché: l’orange, le blanc jaunâtre et le mélangé (attention: on ne l’appelait pas encore «marbré» ) – dans les familles de classe moyenne supérieure, il n’était pas de bon ton d’utiliser des pois frais.

D’abord, il n’y avait pas de marché d’agriculteurs, on ne les retrouvait pas dans les IGA et les Sternberg. Et cela faisait campagne, «habitant»1 comme on disait alors.

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Boîtes de conserve

Donc, les petits pois que j’ai consommés jusqu’à l’âge adulte provenaient de boîtes de conserve (le surgelé existait peu). Il y avait les petits pois Del Monte, les petits pois Green Giant (avant la Loi 1012), les petits pois Aylmer.

Mais le nec plus ultra, celui que ma mère préférait, c’étaient les «petits pois fins Le Sieur – Importé de France».

Ils étaient plus chers que les autres, mais c’était une démonstration d’aisance matérielle que de les acheter plutôt que les autres marques moins prestigieuses. Je me rappelle très bien l’étiquette argentée qui tranchait sur les autres, élégante et aspirationnelle. Les pois étaient effectivement plus fins, ce qui veut tout simplement dire plus petits.

Une période d’allergies aux légumineuses m’en a privé pendant quelques années. Aussi, quel plaisir d’en manger à nouveau dans mon adolescence. Les petites boules s’aplatissaient facilement avec la fourchette ou s’écrasaient sans résistance dans la bouche. C’était pâteux et sans grand goût, mais nous ne connaissions que cela. Tout le monde mangeait des petits pois en conserve!3

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Découverte à Toronto

C’est ici que je reviens à mon propos original: j’ai acheté des petits pois en cosse pour la première fois dans les années 90 chez un primeur4 sur College, dans la Petite Italie.

J’ai écossé des pois pour la première fois ce soir-là. J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai placé un pois cru dans ma bouche. J’ai croqué. Et j’ai découvert la vraie saveur d’un petit pois. Pour la première fois.

Depuis, je consomme peu de petits pois pendant l’automne et l’hiver, puisqu’on ne peut pas les trouver frais. Pour moi, fini les conserves! Et le surgelé me laisse… froide. Mais au mois de juin, quand on commence à trouver les cosses dans les marchés, je remplis un sac.

Je continue à éprouver du plaisir à écosser moi-même. À entrer mes ongles dans le sillon pour séparer les deux cosses. À humer l’arôme de chlorophylle qui s’en dégage. À retirer les pois un à un.5

Et une fois que j’ai mon bol rempli de bouboules vertes, je les mange toujours crues, comme «snack». Comme d’autres mangent des mini-carottes ou des bâtons de céleri. Je les avale toujours un à un. Jamais par poignées. Sans trempette. J’aime leur léger goût minéral. Leur croquant.

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J’ai même dessiné des petits pois. Le dessin est encadré et surmonte mon sofa.

Hâte au printemps

Et j’en arrive à cette période de l’année, vers la fin d’été, où les petits pois en cosse se font de plus en plus rares. Il signale l’arrivée annuelle de la disette de pois frais. J’en ressens une certaine mélancolie. Un manquement en attente.

Mais, après tout, si je pouvais me les procurer à l’année longue, peut-être que je les apprécierais moins. Les petits pois en cosse. Les petits pois frais. Je n’attendrais pas avec délices leur retour au printemps. Je ne ressentirais pas ce frisson quand je vois les premiers étuis oblongs et verts dans de grands paniers.

Voulez-vous que je vous parle des radis roses?

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1 Traduction pour nos amis français: plouc.

2 Note pour ceux qui se remémoraient un épisode de Star Trek pendant les cours d’histoire: la Loi 101 est cette loi québécoise de 1977 qui a forcé, entre autres, l’affichage en français et la transformation du Green Giant en Géant Vert.

3 Note pour les milléniaux: c’était avant les marques maison, l’organique, le bio et le «santé». Avant que Bonduelle traverse l’Atlantique et bouffe tout. On ne se préoccupait pas du taux de sel, de sucre ou de gras. Une liste de 22 ingrédients, dont 19 étaient chimiques, sur une boîte de conserve de petits pois, ne nous énervait pas. Nous étions des pionniers de l’industrie alimentaire de masse. Et nous aimions ça.

4 Note prétentieuse faisant état de la richesse de mon vocabulaire: le primeur est un marchand de légumes et de fruits.

5 Note écologique: il y a beaucoup de déchets dans l’écossage, heureusement que nous pouvons maintenant les composter.

Auteur

  • Lise Marie Baudry

    Lise Marie Baudry œuvre depuis plus de 30 ans dans la francophonie ontarienne et torontoise. Elle a notamment été directrice générale du Centre francophone de Toronto. Ses opinions n'engagent qu'elle-même.

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