Pour un disque qui présente toutes les apparences d’avoir été concocté par une équipe de spécialistes en marketing soucieuse d’exploiter l’air du temps nostalgique qui entoure le 40e anniversaire d’Expo 67 et du Summer of Love, Chansons à gogo (Deja Musique/Sélect) propose assez d’innocents plaisirs – et même de surprises – pour qu’on se laisse embarquer dans l’entreprise qu’on nous vend sous la bannière «Des chansons intemporelles, un son actuel». Une autre façon de dire qu’on a pris une grosse poignée de succès des années 60 et 70 pour les confier à une bande d’artistes de la scène québécoise actuelle, question de faire plaisir aux boomers, et, pourquoi pas, à leurs enfants.
Parfois, le résultat détone savoureusement (le classique Avant de me dire adieu nous rappelle que Martin Deschamps est aux Classels ce que la Harley est à la Vespa), parfois on ne peut que constater que la version d’origine demeure inégalable (Christian Legault et Dany Bédar ne remplaceront jamais le Dutronc crooner de J’aime les filles).
Et pourtant, on déniche quelques trésors dans cette cuvée inégale: ainsi, il suffit de quelques retouches folk pour que le même Bédar nous présente la belle Élisa de Gainsbourg sous un jour nouveau, tandis que Mélanie Renaud a eu la sagesse de rester fidèle à l’esprit et la forme de Croissants de soleil de son homologue – et homophone – Ginette Reno pour garder intact le bonheur d’une parfaite chanson pop.
Qu’on affectionne ou qu’on abhorre ce genre de projet rétrophile (à une autre époque, le film The Big Chillet sans bande-son 60’s avait lui aussi polarisé les boomers et la génération punk), Chansons à gogo doit être évalué en termes de pur mérite artistique.
À ce chapitre, il faut reconnaître qu’on tient là un album en dents de scie, ponctué de moments que même une bonne dose d’ironie kitsch ne parvient pas à nous rendre digestes (l’atroce Une glace au soleil par les Déesses), mais aussi de moments qui servent à nous faire apprécier la pérennité de ces chansonnettes dont on aurait juré qu’elles étaient parfaitement éphémères.