Campus Saint-Jean: au tour de la francophonie de l’Ouest d’être attaquée

Vent de solidarité dans tout le pays

Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney. Montage: Le Franco
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Publié 15/05/2020 par Geoffrey Gaye

L’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), soutenue par plusieurs associations, est partie en croisade cette semaine pour défendre la francophonie à travers le Campus Saint-Jean (CSJ) rattaché à l’Université de l’Alberta.

Comme en 2018 avec l’Université de l’Ontario français, d’importantes coupes budgétaires menacent ce seul lieu permettant des études universitaires en français dans l’Ouest canadien. Et comme en 2018,  les messages de solidarité affluent de tout le pays, provenant à la fois d’organismes communautaires, d’étudiants actuels et passés du Campus, ainsi que de multiples citoyens francophones et francophiles.

«On parle de rassembler et de rallier», soutient Isabelle Laurin, qui chapeaute le projet comme directrice de l’ACFA. Les coupes budgétaires entreprises par le gouvernement provincial menaceraient 44% des cours de la Faculté Saint-Jean. «On touche au cœur de notre communauté», ajoute-t-elle.

L’entrée de la Faculté Saint-Jean de l’Université de l’Alberta à Edmonton.

Pas de réponse

«On a épuisé nos ressources politiques», raconte Sheila Risbud, présidente de l’association porte-parole de la francophonie albertaine.

Elle a rencontré plusieurs dirigeants politiques ces derniers mois: Leela Aheer, ministre responsable de la Francophonie, Demetrios Nicolaides, ministre de l’Éducation supérieure, Laila Goodridge, secrétaire parlementaire de la francophonie.

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«On a proposé des solutions et on n’a pas eu de réponse d’engagement. Donc on a jugé que la communauté franco-albertaine et les autres au Canada doivent être conscientisées aux enjeux», indique la présidente de l’ACFA.

En février, Sheila Risbud, présidente de l’ACFA, avait rencontré Mélanie Joly, ministre fédérale des Langues officielles, pour évoquer la situation du Campus.

Jason Kenney

L’initiative Sauvons Saint-Jean prévoit plusieurs actions. Premièrement, elle appelle toutes les personnes sensibles au sort du Campus à envoyer une lettre au premier ministre albertain, Jason Kenney, et à Demetrios Nicolaides, ministre de l’Enseignement supérieur.

Des lettres préécrites sont disponibles sur le site de l’ACFA. En quelques clics, elles peuvent être personnalisées par un paragraphe afin de partager son expérience personnelle en lien avec le CSJ ou témoigner de l’importance que revêt cette institution.

«J’invite donc tous les jeunes à se joindre à cette campagne et à faire du bruit sur les médias sociaux. C’est de notre présent et de notre avenir qu’il est question!» a déclaré Sympa César, président de la Francophonie jeunesse de l’Alberta (FJA), sur la page Facebook de l’organisme.

La FJA s’est engagée à lancer une campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux.

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Un événement l’an dernier au Campus Saint-Jean.

Rencontres citoyennes

Dans un troisième temps, l’ACFA proposera une série de rencontres citoyennes en ligne pour recueillir les souhaits de la communauté concernant l’avenir du Campus, créé en 1906 par les pères Oblats, devenu faculté de l’Université de l’Alberta en 1977.

Pour ses consultations, l’association s’appuiera notamment sur le soutien du chapitre albertain de Canadian Parents for French (CPF Alberta).

«Les étudiants de français langue seconde de l’Alberta n’auraient pas les mêmes opportunités de devenir des membres actifs et prospères de l’économie albertaine et mondiale sans le Campus Saint-Jean», a déclaré la présidente de l’organisme, Victoria Wishart.

Des pères Oblats, l’organisation religieuse catholique fondatrice du Campus Saint-Jean.

Fonds d’urgence

Deux demandes sont adressées au gouvernement. L’ACFA souhaite que le gouvernement provincial autorise le CSJ à puiser dans ses fonds d’urgence pour combler les baisses de financements annoncés.

«Le Campus s’est donné du mal pour constituer ce fond par des économies ces dernières années. Le gouvernement lui a interdit de l’utiliser», déplore la présidente de l’ACFA.

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Dans une entrevue accordée au Franco en novembre, le doyen de la faculté, Pierre-Yves Mocquais, indiquait que la province finançait le Campus pour «un quota de 524 étudiants alors que nous en accueillons plus de 750».

L’ACFA s’est saisie de ce dossier et souhaite que les subventions Campus Alberta Grant soient «revues et augmentées».

Pierre-Yves Mocquais, doyen de la faculté francophone du Campus Saint-Jean, dans son bureau à Edmonton. Photo: Geoffrey Gaye

Une catastrophe annoncée

La présidente de l’ACFA, élue en octobre, se dit fortement préoccupée par le sort du Campus. Elle-même a découvert sa vocation pour la défense des droits des francophones en 1990, alors assise sur les bancs de l’établissement, en cours de sciences politiques.

«Oui, je trouve que ça menace la communauté francophone en Alberta». Elle argumente par le rôle essentiel dans la formation des enseignants. «Il y a déjà une pénurie, le niveau d’éducation au primaire et secondaire risque de baisser».

Mais l’Alberta ne serait pas seule affectée. «Le Campus dessert tout l’Ouest du pays: la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, les Territoires du Nord-Ouest.»

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«Dès le mois de septembre, 180 cours sur 409 pourraient être supprimés, continue la présidente de l’ACFA, ce qui pourrait vouloir dire l’abolition complète de certains programmes». Elle précise que des élèves ne pourraient pas terminer leur diplôme au Campus.

Soutien des étudiants

Sauvons Saint-Jean comptera sur l’appui de l’association universitaire de la faculté Saint-Jean (AUFSJ).

Sa présidente Natalie Herkendaal est elle-même directement menacée par cette situation. En double majeure, physique et chimie, elle explique qu’il existe déjà une pénurie de cours.

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«J’ai été chanceuse de pouvoir finalement en obtenir un l’année dernière. Mais il sera certainement supprimé dès septembre, car nous sommes moins de 12 inscrits. Je vais devoir le suivre en anglais au Campus Nord».

Rencontrant déjà des difficultés à obtenir des crédits suffisants pour l’obtention de son diplôme en français, elle craint le pire.

L’an dernier: des membres de l’AUFSJ et Nathalie Herkendaal tenant la banderole à droite.

Mobilisation dans tout le pays

Carol Jolin, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), a tout de suite appelé à la «mobilisation» dans tout le pays, pour sauver le campus albertain: un retour d’ascenseur puisque «la communauté franco-albertaine a été là pour nous pendant la Résistance» à la suspension du financement de l’UOF en 2018.

«La mise sur pied de l’Université de l’Ontario français a été l’un des plus grands succès politiques de l’histoire de notre communauté. Mais ce succès aurait été impossible sans la mobilisation massive, non seulement des francophones de l’Ontario, mais également de l’ensemble des francophones et des francophiles du pays.»

Ici, les francophones de l’Ouest du pays «font face à un recul inacceptable et subiront des torts irréparables sur l’offre de cours universitaires en français à la suite de récentes décisions du gouvernement de l’Alberta», estime M. Jolin.

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Résistance
Le directeur général Peter Hominuk et le président Carol Jolin de l’AFO, qui a offert à l’ACFA son expertise en matière de «résistance» aux coupures provinciales.

Pour le dialogue

«À défaut d’une solution viable, la seule institution postsecondaire francophone de l’Alberta, devra sabrer près de la moitié des cours qu’elle avait prévus pour la prochaine année universitaire (180 cours sur 409). Des programmes nécessaires à la vitalité francophone seront entièrement abolis.»

L’AFO invite la communauté franco-ontarienne à écrire au premier ministre de l’Alberta, partager sur les médias sociaux, assister à une rencontre citoyenne virtuelle, etc.

«Nous souhaitons un dialogue entre le gouvernement de l’Alberta et la communauté franco-albertaine qui conduira, je l’espère, à une solution menant à la sauvegarde des cours et des programmes du Campus Saint-Jean.»

La francophonie de l’Alberta en est en mode «résistance» pour sauver la faculté Saint-Jean.

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