Brûlage dirigé annuel à High Park

Pratique autochtone ancestrale

High Park, brûlage
Un expert surveille le brûlage du sous-bois de la savane de chênes noirs de High Park. Photos: Charles-Antoine Rouyer, l-express.ca
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Publié 20/04/2025 par Charles-Antoine Rouyer

La Ville de Toronto a procédé cette semaine à son brûlage dirigé annuel à High Park pour régénérer la savane à chênes noirs. Le brûlage dirigé est une pratique ancestrale des Premières Nations que l’administration municipale a adoptée officiellement en 2001.

La savane à chênes est un écosystème naturel qui a pratiquement disparu en Ontario. Il persiste à High Park, car le parc a été aménagé avant que le tissu urbain ne se développe autour, préservant ainsi cet écosystème primaire.

Le brûlage dirigé consiste à allumer un feu pour détruire notamment les pousses d’espèces envahissantes et celles d’autres arbres. On réduit ainsi la végétation du sous-bois pour permettre aux grandes herbes et aux jeunes chênes de s’implanter.

Jason Sickle
Jason Sickle et son équipe avant le brûlage dirigé.

Restauration de l’habitat

«Le brûlage dirigé contribue à la restauration de l’habitat», résume à l-express.ca Jennifer Gibbs, superviseure des plantations stratégiques dans le service de foresterie urbaine de la Ville de Toronto et la responsable du programme des brûlages dirigés de 2009 à 2022.

«Certaines essences ont besoin du feu pour s’épanouir. C’est une question de santé écologique», conclut Jennifer Gibb, alors que les flammes progressent non loin, dans la troisième et dernière parcelle du High Park à être brûlée en cette journée ensoleillée de la mi-avril 2025.

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High Park, brûlage
Brûlage dirigé.

Avant l’arrivée des Européens et l’urbanisation, ces incendies de broussailles se déclenchaient aussi naturellement et contribuaient au maintien de la savane à chênes. En 1997 et 1998, la Ville de Toronto a mené des essais pilotes, et c’est à partir de 2001 que le programme de brûlage dirigé est devenu une pratique officielle.

Ce 17 avril, trois parcelles ont été brûlées successivement, couvrant au total 5 hectares (sur les 161 hectares de High Park).

«Les chênes centenaires présents dans le parc étaient en déclin sans la régénération», a expliqué Jason Sickel, le spécialiste engagé par la Ville de Toronto pour réaliser l’opération. «Le brûlage va contribuer à la repousse de chêne noir ainsi que des chênes blancs et rouges», a précisé Jason Sickel.

High Park, brûlage
Début de l’opération.
High Park, brûlage
Brûlage aux abords de la route.

Le feu se propage rapidement

«D’après les conditions météorologiques aujourd’hui, la température et le vent, le feu devrait se propager de 6 à 22 mètres par minutes dans les zones de hautes herbes, et de 4 à 13 mètres par minutes dans les zones plus vertes», a ajouté Jason Sickel. Un être humain marche en moyenne à 1,4 mètre à la seconde.

«L’intensité du feu sera de 2-3 dans les hautes herbes et 1-2 ailleurs lorsque ce sont surtout les feuilles de chêne qui brûlent. Le feu ne sera pas trop chaud pour ne pas endommager les arbres en place, mais suffisamment chaud pour brûler le reste», a précisé celui qui s’identifie comme le «boss du feu» avec un sourire en coin.

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Il est responsable d’une équipe de huit personnes, quatre pour l’allumage, équipées de petites torches, et quatre pour la suppression du feu à la fin, équipées de gourdes à eau en sac à dos et d’un petit jet pour asperger le feu.

travailleurs
Huit personnes ont travaillé à allumer puis à supprimer les feux.

Protéger les repousses… et les tortues

Par contre, les plus petites repousses de chênes doivent être protégées pour s’assurer que la régénération progresse plus rapidement. Avant le feu, les hautes herbes séchées sont aplaties et aspergées d’eau dans un périmètre de 50 centimètres autour d’un petit chêne de cinq ans environ et d’à peine un mètre. La base du petit arbre est également protégée par un manchon de tuyau métallique de poêle de chauffage.

Avant le brûlage de chaque parcelle, une équipe d’une quarantaine de bénévoles ratisse le terrain pour faire fuir les petits mammifères et tenter de repérer des petites tortues pour leur éviter de passer au feu.

High Park, brûlage
Le sous-bois brûlé.
High Park, brûlage
On verse un mélange d’essence et de diesel.

«Verseurs de feu»

Les torches sont alimentées par un mélange d’essence et de diesel. Elles laissent échapper un filet de liquide enflammé qui, une fois tombé au sol, va allumer l’incendie.

Ces «verseurs de feu», dans leur combinaison de tissu rouge, avancent en parallèle de part et d’autre en bordure extérieure de la parcelle à brûler. Ils laissent derrière eux une fine ligne de flammes.

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Le feu commence alors à crépiter et se propage vers le milieu de la parcelle, où les deux vagues de flammes se rencontrent et s’éteignent faute de matériau à brûler. Il reste alors au sol une surface noircie et encore fumante.

High Park, brûlage
La savane brûle.

Cérémonie autochtone

Les torches pour la première parcelle 1E-Ouest brûlée ce jour-là ont été enflammées à 11h30 grâce à des braises provenant d’un «feu sacré» allumé le matin lors d’une cérémonie du lever du soleil par des représentants des Premières Nations. Et peu avant le brûlage, des chants traditionnels ont résonné au son de tambours pour accompagner des danseurs et danseuses en tenues traditionnelles.

La Ville collabore ainsi avec les Premières Nations locales, ayant renommé son programme «brûlage traditionnel et dirigé».

«Les modes autochtones d’acquisition du savoir et leurs cérémonies sur les terres constituent un élément essentiel de ce travail», rappelle Kim Statham, la directrice de la foresterie urbaine de la Ville de Toronto. «Nous sommes reconnaissants à Land Stewardship Circle et Turtle Protectors d’avoir partagé leurs connaissances et leur sagesse.»

La Ville de Toronto mène également ce type de brûlage dans le parc South Humber et le parc Lambton.

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autochtones
Cérémonie autochtone avant le brûlage dirigé.

Le temps confirme l’idée

Peu après 15h, les deux derniers allumeurs de feu venaient de se rejoindre après avoir fait le tour de la dernière parcelle 7B et versaient en se croisant les dernières gouttes de liquide enflammé. Jennifer Gibb se souvient comment les premières tentatives pour relancer cette pratique ancestrale ont commencé à porter leurs fruits, et du même coup à éteindre les résistances du grand public, réticent au début.

«La première fois que nous avons vu refleurir des lupins bleus [une essence endémique de la savane à chêne et qui avait disparu de High Park], et dont les graines étaient sans doute enfouies depuis de nombreuses années dans le sable de la savane, nous avons alors compris que nous étions sur la bonne voie.»

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