La romancière québécoise Germaine Guèvremont (1893-1968) et le journaliste torontois William Arthur Deacon (1890-1977) ont échangé dix-neuf lettres que Mariel O’Neill-Karch a sorties de l’oubli pour les présenter et les analyser dans un ouvrage intitulé En dépit des frontières linguistiques. Il s’agit d’une brillante illustration, avant la lettre, de la devise «Briser les solitudes», adoptée par la gouverneure générale Michaëlle Jean.
La correspondance se fait en anglais et c’est Pierre Karch qui a traduit les lettres «avec sa rigueur et sa générosité habituelles».
Mariel O’Neill-Karch explique que Germaine Guèvremont a appris l’anglais lors de son séjour au pensionnat torontois Loretto Abbey, en 1908-1909 (elle suivait des cours de piano). Par un heureux hasard, ce pensionnat se dressait, à l’époque, au 403 de la rue Wellington, emplacement actuel du Globe and Mail, employeur de William A. Deacon.
Les lettres sont échangées entre 1946 et 1956. Le tiers d’entre elles porte sur The Outlander, version anglaise du Survenant et de Marie-Didace, traités comme un roman en deux parties. En avril 1951, cette traduction remporte le Prix du Gouverneur général pour la meilleure œuvre de fiction parue en 1950. «Guèvremont fut dès lors admise dans les cercles littéraires torontois, jusque-là assez jalousement fermés aux écrivains francophones. Elle en devint même la coqueluche», écrit Yvan G. Lepage dans sa préface.
Les lettres échangées par Guèvremont et Deacon servent surtout à montrer comment le journaliste torontois a essayé (et réussi avec l’aide de la romancière) à ouvrir l’esprit de ses compatriotes et à leur faire apprécier la littérature canadienne-française «pour laquelle ils n’avaient jusqu’alors éprouvé qu’indifférence et dédain».