Bilinguisme dans les aéroports: une autre victoire pour Michel Thibodeau

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L'aéroport Pearson devra payer 6500 $ en dommages-intérêts et en dépenses au Franco-Ontarien Michel Thibodeau qui lutte pour le bilinguisme. Photo: Patrick Woodbury, archives Le Droit
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Publié 26/02/2024 par Émilie Gougeon-Pelletier

Michel Thibodeau, un résident d’Ottawa reconnu pour sa longue lutte visant à faire valoir ses droits linguistiques et le bilinguisme auprès des compagnies aériennes, a obtenu un nouveau gain de cause, la semaine dernière, en plus de recevoir les éloges du juge.

C’est un dossier qui dure depuis plusieurs années.

Le juge Peter G. Pamel a condamné l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (AAGT), responsable de l’Aéroport international Pearson, à payer 6500 $ en dommages-intérêts et en dépenses au Franco-Ontarien Michel Thibodeau.

Des centaines de plaintes

Même si l’Ottavien se livre à ce combat depuis plus de 20 ans, les faits cités dans ce dossier remontent à 2016.

Depuis cette année-là, Michel Thibodeau a déposé des centaines de plaintes auprès de différentes autorités aéroportuaires et institutions fédérales, en vertu de la Loi sur les langues officielles (LLO).

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Durant cette période, il s’est plaint au Commissariat aux langues officielles à propos de violations linguistiques alléguées à l’Aéroport international Pearson, soit l’absence de communiqués de presse en français sur son site Web, des affichages excluant le français à la succursale de la Banque CIBC au sein de l’aéroport, et un panneau unilingue anglais dans un commerce Booster Juice.

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Michel Thibodeau ne recule devant rien pour défendre les droits des francophones. Photo: Patrick Woodbury, archives Le Droit

Le juge Pamel a donné raison à M. Thibodeau, comme l’avait fait le commissaire aux langues officielles. L’AAGT reconnaît avoir enfreint la LLO dans certains aspects du dossier et dit avoir mis en place des mesures pour y remédier.

Dans un dossier similaire, Michel Thibodeau avait obtenu gain de cause, en 2022, lorsque la Cour fédérale a condamné deux aéroports, un à Edmonton, et un à Terre-Neuve, à lui payer près de 20 000 $ pour avoir négligé leurs obligations en matière de langues officielles.

Croisade

L’AAGT a soutenu, dans sa défense, que M. Thibodeau n’avait pas droit à des dommages-intérêts, notamment parce que sa plainte «fait simplement partie de la longue croisade de M. Thibodeau contre les institutions fédérales, dans le cadre de laquelle il recherche activement des violations linguistiques potentielles à des fins d’enrichissement personnel».

Le juge Pamel n’a pas mâché ses mots pour faire part de son désaccord face à l’accusation de l’AAGT.

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«Si c’est effectivement le cas, ma réaction spontanée est la suivante: tant mieux pour lui, si le résultat est d’attirer l’attention du public sur la question et de faire en sorte que les institutions fédérales demeurent fidèles aux valeurs embrassées par les Canadiens et respectent davantage les droits linguistiques inscrits dans la Charte», a-t-il écrit dans sa décision.

Le juge a ajouté qu’«à l’instar des dénonciateurs et des pirates informatiques qui exposent les lacunes des processus et des systèmes institutionnels et rendent ces lacunes publiques, M. Thibodeau cherche, à tort ou à raison, à exposer les lacunes dans la manière dont les institutions fédérales donnent effet à ses droits linguistiques».

Une épine dans le pied des administrations

Dans sa décision, le juge Pamel a même cité un passage de L’Apologie de Socrate où il exprime l’importance des individus désireux de mener des combats auprès d’instances publiques et démocratiques pour faire valoir leurs droits.

«Bien que certains voient dans M. Thibodeau le taon, l’épine proverbiale dans le pied des administrations aéroportuaires, la protection des droits linguistiques au Canada nécessite néanmoins une vigilance constante. J’espère qu’un jour nous n’aurons plus besoin des “Michel Thibodeau” de ce monde, mais jusqu’à ce jour, ils ont leur place en tant qu’ardents défenseurs des droits linguistiques.»

Fardeau

En entrevue téléphonique, Michel Thibodeau s’est dit content que la Cour fédérale reconnaisse le «fardeau» que représente son combat pour les droits des francophones d’être servis dans leur langue officielle.

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«L’AAGT dit que je fais ça juste pour de l’argent. Ce n’est pas vrai. Ce que la Cour fédérale dit, c’est que je le fais pour défendre mes droits linguistiques. Pour ceux qui n’aiment pas ça, la solution serait tellement simple… Servez-moi en français, affichez en français, et arrêtez de vous entêter à ne pas servir les francophones dans la langue de leur choix, et vous ne serez plus devant les tribunaux.» — Michel Thibodeau

Michel Thibodeau lance, par le fait même, un cri du cœur: «Il faut que les francophones se tiennent debout, il faut que les francophones portent plainte, il faut qu’ils se disent qu’un moment donné, assez, c’est assez.»

«Moi, j’ai besoin d’aide. C’est trop difficile. Je ne sais pas combien d’années je vais pouvoir continuer à mener ce combat-là sans aide», déplore-t-il.

Lettre d’excuses

Michel Thibodeau demandait aussi que l’AAGT lui présente une lettre d’excuses formelles.

Une telle lettre aurait pu avoir «l’effet d’un baume sur une plaie», a écrit le juge Pamel, disant reconnaître que pour M. Thibodeau, «cette plaie est béante».

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N’empêche, le juge «doute de la sincérité qu’aurait une telle lettre», étant donné que «l’AAGT n’a pas caché son mépris envers les tactiques employées par M. Thibodeau pour faire valoir ses droits».

Le juge n’a donc pas exigé une lettre d’excuses formelles, mais a déclaré qu’une déclaration de la Cour était «de mise, compte tenu du récidivisme de l’AAGT en matière de violation des droits linguistiques».

«Les droits linguistiques de M. Thibodeau ont été violés par l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto», écrit-il donc dans son jugement.

Appel?

L’AAGT a indiqué au Droit qu’elle n’était pas disponible pour une entrevue.

«Nous étudions attentivement ce jugement et il est important de savoir que nous continuerons à accorder une importance particulière à la communication dans les deux langues officielles», a néanmoins indiqué le porte-parole Fabrice de Dongo dans un courriel.

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Lorsque nous lui avons demandé si l’AAGT avait l’intention de faire appel de la décision, il a indiqué qu’il ne savait pas et que «ce sera à déterminer selon notre révision».

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