Le fameux 7up à 12 000 $

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Le service doit être bilingue à bord de tous les vols d'Air Canada.
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Publié 03/08/2011 par François Bergeron

Le 13 juillet dernier, la Cour fédérale a ordonné à Air Canada de s’excuser et de payer 12 000 $ à un homme d’Ottawa, Michel Thibodeau, qui n’avait pas pu être servi en français à huit reprises à bord de trois vols vers les États-Unis au printemps 2009. C’est la deuxième fois qu’Air Canada doit s’excuser et compenser ce même passager, qui avait poursuivi la compagnie aérienne pour son service unilingue anglais sur un vol Ottawa-Montréal en 2000.

La nouvelle a fait du bruit dans les médias canadiens-anglais («Un 7up de 12,000 $», a-t-on titré, en référence au fait que ce passager avait notamment demandé cette boisson à l’agente de bord). L’affaire y a aussi suscité nombre d’éditoriaux et de commentaires, presque tous négatifs.

Dans les médias québécois francophones, où l’article est passé modestement dans les pages intérieures, Michel Thibodeau a reçu quelques accolades pour son opiniâtreté face à ce problème qui n’est pas nouveau.

Les anciennes sociétés d’État comme Air Canada et Via Rail sont tenues de continuer d’offrir leurs services en anglais et en français. Chez Air Canada, on se plaint parfois que cela rend la compagnie moins compétitive face à ses concurrents. On a raison: toutes les compagnies aériennes desservant le territoire canadien devraient être tenues d’offrir leurs services dans les deux langues officielles du pays.

Ce ne sont donc pas encore tous les Canadiens qui ont compris que le bilinguisme officiel est le prix (plutôt un investissement) à payer pour un pays uni, et que les réformes en ce sens, initiées sous Pierre Elliott Trudeau, ont de fait réussi à opposer au nationalisme québécois quelques raisons de croire à une évolution du Canada vers quelque chose dont on pourrait un jour être fier. Ce vague espoir a contribué aux victoires du non aux référendums de 1980 et de 1995.

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Les efforts peu subtils du premier ministre Stephen Harper pour faire renaître au Canada un engouement pour la monarchie britannique, notamment à la faveur de la visite du couple William et Kate, ne font qu’entretenir ces vieilles divisions anglos-francos. L’effacement de ce symbole suprémaciste anachronique participe lui aussi au (long mais nécessaire) processus de réconciliation nationale.

Quelques commentateurs du Globe and Mail (Jeffrey Simpson et John Ibbitson pour ne pas les nommer) et de quelques autres médias canadiens-anglais continuent de déplorer l’indifférence notoire des Québécois face à la politique fédérale et envers ce qui se passe dans le reste du pays. Indifférence confirmée autant par les succès électoraux du Bloc québécois pendant deux décennies que par l’envoi à Ottawa, le 2 mai dernier, d’un contingent de députés néo-démocrates inconnus.

Pourtant, ce même Globe and Mail se prononçait récemment en éditorial contre l’idée (et le projet de loi privé du député néo-démocrate Yvon Godin) voulant que le bilinguisme devienne un critère d’embauche incontournable des juges de la Cour suprême du Canada. Tout au plus le Globe suggérait-il au candidat unilingue anglophone qui serait choisi (imagine-t-on un seul instant un unilingue francophone?) de suivre des cours intensifs de français.

Cette obstruction systématique au moindre progrès du bilinguisme au pays justifie l’isolationnisme des Québécois, leur manque de «patriotisme» envers le Canada, et leur quête d’un «vrai» pays qui leur ressemble davantage.

Il est déjà difficile d’accepter que tous les ministres du gouvernement fédéral ne soient pas bilingues. Un citoyen qui prétend s’intéresser à l’avenir du Canada au point de se porter candidat au Parlement fédéral, mais qui ne maîtrise pas les deux langues officielles du pays, n’est tout simplement pas crédible, du moins lorsqu’il proclame son amour et sa fierté pour le pays.

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Aux postes les plus élevés de la fonction publique, de l’appareil judiciaire, du corps diplomatique, des forces armées et de toutes les instances qui se prétendent «pancanadiennes» ou «nationales», l’unilinguisme est inexcusable.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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