En plein cœur de la Roumanie, là où les Carpates se mettent à chahuter pour mieux enceindre la Transylvanie, il suffit de quitter l’asphalte poussiéreux de la route européenne 60 pour fouler les pavés des ruelles de la ville de Sighisoara et entrer soudainement dans l’époque médiévale. Avec son passé tourmenté, fortifiée comme pour mieux se protéger de la modernité douteuse qui l’entoure, la ville est un témoin privilégié de l’histoire européenne.
Nous sommes au XIIe siècle et l’Europe tremble devant les Mongols de Gengis Khan et de son fils Ogodai, dont la soif de sang, la cruauté raffinée et le désir d’expansion rendent incertaine la défense timide des rois hongrois. Premier rempart d’une chrétienté médiévale plutôt insouciante, la Hongrie ouvre les portes de la Transylvanie à quelque 250 000 colons saxons, des artisans et des marchands, qui, pour défendre leur lopin de terre, sauront construire les fortifications de ce qui allait devenir la ville de Sighisoara.
Sans le savoir, les braves Saxons construisaient un des nombreux murs de l’histoire humaine, celui qui marquera plus tard la frontière entre la culture latine de l’Europe centrale et la culture byzantine orthodoxe de l’Europe du sud-est.
Des Saxons à Dracula
Vlad II Dracul (le Dragon), prince de Valachie et vassal du Roi de Hongrie, s’établit dans la ville en 1421 avec le titre de commandant des frontières et la responsabilité de protéger les routes commerciales de Transylvanie vers la Valachie voisine.
Il y reste 15 ans, et c’est à Sighisoara que voit le jour son troisième fils, connu plus tard sous le nom de Vlad III l’Empaleur, Dracula pour les intimes. Et c’est dans les rues étroites et sinueuses de Sighisoara, devenue entre-temps l’une des villes les plus importantes de Transylvanie, que le jeune Dracula rêve de faire couler le sang des Turcs et de devenir un héros de la chrétienté.