L’idée, en soi, n’a rien d’originale: question de marquer comme il se doit ses vingt ans de carrière, Luc de Larochellière voulait se faire un cadeau, celui d’inviter la crème des artistes québécois – et même un Français, Cabrel, en l’occurrence – le temps de reprendre en duo quelques-uns des refrains qui ont balisé son parcours et souvent le nôtre.
Mais Voix croisées (Victoire/Dep) est un cadeau qui reflète une rare générosité. Si tour à tour, Michel Rivard (Pour en finir avec la nuit), Daniel Boucher (sur un magistral Amère America), Laurence Jalbert (Si j’te disais reviens) et Pierre Flynn (Le mur du silence) donnent le meilleur d’eux-mêmes, c’est en partie parce qu’ils ont trouvé là des chansons qui leur collent à la peau, et dont chacun d’entre eux aurait pu assumer la paternité… ou la maternité.
Et dans le cas de Si fragile, bouleversant duo avec Gilles Vigneault, c’est la chanson elle-même qui s’en trouve agrandie, revêtant tout son sens par le biais de ce dialogue trans-générationnel qui met à profit la vulnérabilité de la voix de l’aîné. Et si Voix croisées n’atteint pas systématiquement ces sommets (la rencontre technoïde entre Luc et les gars de Motus 3F sur Monsieur D est une expérience aussi intrigante qu’agaçante), il est clair que chansons et interprètes sortent grandis de l’expérience, ce qui n’est pas toujours le cas de ce genre d’album.
On savait les chansons de Luc à la fois morales et rigoureuses. On les sait maintenant immortelles.
Un singulier saboteur
En évacuant – non, en dynamitant – tous les paramètres habituels de la chanson (mélodies, couplets, refrains et, pour l’essentiel, la notion même de structure narrative), Jean Leclerc réalise sur Mexico (Roi Ponpon/Dep) l’équivalent musical d’une pièce de Beckett ou de Ionesco, mettant en musique son propre théâtre de l’absurde.