Anges ou démons?


Anges ou démons? C’est une question que l’on peut se poser au sujet de ces créatures invisibles, perçues comme bénéfiques ou maléfiques, et que, bien qu’en principe immatériel, on représente avec des ailes, les bons anges, ou des formes monstrueuses, les démons.


L’origine des anges semble se perdre dans la nuit des temps littéraires ou presque, si l’on suit les constatations que deux chercheurs, Colin, Fabrice et Noirez, Jérôme, nous présentent dans Enquête sur les anges (Paris, Éditions Fetjaine, 2011, 126 p., illustrations).


Si le mot ange vient du grec angelos, qui signifie messager, l’existence de personnages mystérieux faisant le lien entre les dieux et les hommes est bien antérieure, puisqu’on en trouve trace dans des textes sumériens, comme l’Épopée d’Erra, sous le nom d’apkallu. Ces êtres mythiques, sortis des eaux, auraient été les envoyés du dieu Éa, un dieu majeur protecteur des hommes, pour leur enseigner l’écriture, les sciences et les techniques. On les trouverait aussi comme conseillers, des sages, auprès des rois de l’époque.


La révolte des anges


C’est dans le Livre d’Hénoch, rédigé d’abord en hébreu et/ou en araméen, et conservé surtout dans une version éthiopienne, qui daterait du IIIe siècle avant notre ère, qu’il en est question. L’auteur de ce livre, exclu du corpus biblique catholique au IVe siècle, traite de la chute des anges:


«Quand les enfants des hommes se furent multipliés dans ces jours, il arriva que des filles leur naquirent élégantes et belles. Et lorsque les anges, les enfants des cieux, les eurent vues, ils en devinrent amoureux; et ils se dirent les uns aux autres: choisissons-nous des femmes de la race des hommes, et ayons des enfants avec elles. Alors Samyaza, leur chef, leur dit: je crains bien que vous ne puissiez accomplir votre dessein. Et que je supporte seul la peine de votre crime.»


«Mais ils lui répondirent: nous ne changerons rien à notre dessein, nous exécuterons ce que nous avons résolu. Ils étaient au nombre de deux cents, qui descendirent sur Aradis, lieu situé près du mont Armon. Et ils se choisirent chacun une femme, et ils s’en approchèrent, et ils cohabitèrent avec elles; et ils leur enseignèrent la sorcellerie, les enchantements, et les propriétés des racines et des arbres. Et ces femmes conçurent et elles enfantèrent des géants.»


Déchéance


La vengeance divine ne tarde pas à s’exercer, par l’entremise d’anges fidèles. Gabriel pousse les «enfants de fornication» à s’entre-tuer. Michel enchaîne les anges rebelles sous la terre avant leur jugement, qui les mettra dans la géhenne où ils brûleront pour l’éternité.


Et Raphaël est chargé de lier les pieds et les mains du chef des rebelles, de le jeter dans les ténèbres et de l’abandonner dans le désert sous un tas de pierres. On remarquera au passage que tous ces anges sont des êtres bien matériels!


Et Satan, qui est-il? Satan «n’est pas à proprement parler une figure maléfique, mais plutôt un procureur». (p. 18). Il est chargé par Dieu de mettre à l’épreuve Job, dans le Livre de Job et de tenter Jésus dans l’évangile.


Quant à Lucifer, est-il un ange déchu ou un autre nom de Satan? «Les démons de la mythologie chrétienne se confondent avec les anges déchus. Leur nature diabolique ne serait alors qu’un mensonge savamment entretenu au cours des siècles dans le dessein de nous tenir à l’écart de leur influence et du savoir qu’ils brûlent encore de nous transmettre.» (p. 19)


Anges et religions


Les anges, ces messagers, ces intermédiaires entre le divin et l’humain, fréquentent presque toutes les religions, sous une forme ou sous une autre. Ils sont présents dans le judaïsme. L’histoire légendaire d’Abraham raconte qu’il reçut la visite de trois messagers devant lesquels il s’est prosterné. Les kabbalistes auraient découvert «les noms de 72 anges-génies des hiérarchies célestes».


La religion chrétienne connaît les messagers angéliques, comme Gabriel dans la scène de l’Annonciation, mais aussi toute une hiérarchie angélique imaginée sans doute au Ve siècle par le Pseudo-Denys l’Aréopagite. Cette hiérarchie, calquée sur un modèle humain, que détaille le livre, va des Séraphins aux simples anges.


«Dans l’Islam, les anges interviennent surtout comme des messagers de Dieu.» Les auteurs développent cette partie et invitent ensuite à faire «un tour du monde des anges», que l’on retrouve partout.


Vision ou réalité?


Les artistes ont vu des anges dans leur imagination, mais quelques mystiques auraient remontré ces êtres étranges, et les auteurs nous livrent noms et témoignages, comme ceux de quelques grimoires ou entretiens dont on prendra connaissance avec bonne foi ou scepticisme.


«Documents et interviews inédits apportent un éclairage nouveau et parfois inquiétant sur ces entités dont la substance et les motivations dépassent de loin notre entendement.» (Éditeur)


Au terme de ce «carnet de l’étrange», le lecteur tirera ses propres conclusions des aperçus mythiques ou mystiques intrigants dont il aura pris connaissance.