Amour, immigration et pouvoir discrétionnaire

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Publié 03/06/2019 par Marc-André Ranger

Dans une vie lointaine, notre professeur de droit administratif nous expliqua, jeunes et beaux que nous étions, que ce type de droit gére les relations entre l’état et ses citoyens.

L’encyclopédie canadienne indique: «Dans un État moderne complexe, les représentants élus n’ont pas la capacité de faire passer des lois pour régir toutes les situations. Par conséquent, les gouvernements fédéral et provinciaux délèguent nombre de leurs pouvoirs législatifs, ainsi que le pouvoir d’adopter et d’appliquer les lois, à des organismes administratifs.»

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) ainsi que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) sont donc des organismes administratifs chargés de faire appliquer les lois.

Incohérences

À cet égard, autant les agents d’IRCC que de l’ASFC ont certains pouvoirs discrétionnaires dans l’exécution de leurs fonctions. Par exemple, l’article 20 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés impose au demandeur (le ressortissant étranger) le fardeau de convaincre l’agent qu’il ou elle aura quitté le Canada au terme du séjour autorisé.

Le législateur permet ainsi à l’agent d’utiliser son pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation des éléments soumis au soutien d’une demande de visa. Cela crée, bien entendu, beaucoup d’incohérences dans les décisions rendues.

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«Relations» internationales

Qu’est-ce que l’amour vient faire dans cette histoire me direz-vous? Et bien, il n’y a pas que le monde des affaires qui s’est globalisé, le marché de la romance également. De nos jours, les relations amoureuses outre-frontières sont devenus fréquentes.

Or, qui dit romance internationale, dit immigration. En effet, nous sommes régulièrement interpellés par des Canadiens à la suite d’un refus d’une demande de visa de visiteur de l’être aimé.

Pour plusieurs, le fait d’être en relation de couple, voir marié à un Canadien(ne), constitue une raison largement suffisante pour qu’un visa soit octroyé. Or, en pratique, rien n’est moins vrai.

Obstacle au visa

Puisque le fardeau revient au demandeur de convaincre l’agent qu’il ou elle aura quitté le Canada au terme du séjour autorisé, la relation amoureuse devient paradoxalement un frein à l’obtention du visa.

L’agent risque de conclure que les tourtereaux ne voudront plus se quitter une fois ensemble au Canada. C’est fort l’amour après tout.

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Puisqu’il existe une possibilité de parrainage entres conjoints/époux depuis l’intérieur du Canada, permettant ainsi d’obtenir la résidence permanente, le demandeur a souvent bien de la difficulté à démontrer qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

Motifs nébuleux

Il est pour le moins déroutant de constater autant de refus de visas de visiteur sur cette base, d’autant que les lettres de refus du ministère sont très peu détaillées sur les motifs de la décision.

Le ministère a créé des lettres-types dans lesquels il suffit à l’agent de cocher une petite case parmi un ensemble d’options, selon le motif du refus, lequel est fréquemment basé sur le fardeau prévu à l’article 20 de la Loi.

Pour en apprendre davantage, il faut commander les notes de l’agent ayant rendu la décision via la Loi sur l’accès à l’information. À ce sujet, il faut souligner que parmi l’ensemble des ministères fédéraux, IRCC reçoit plus de la moitié de toutes les demandes d’accès à l’information soumises au Canada, ce qui engendre des délais de réponse considérables.

Un peu de souplesse svp

Nous croyons qu’IRCC devrait démontrer davantage de souplesse dans l’évaluation des demandes de visa des ressortissants étrangers en couple avec un canadien.

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Encore récemment, par exemple, une ressortissante ukrainienne en couple avec un Canadien s’est vu refuser sa demande de visa en moins de 24 heures. Pourtant, son conjoint canadien avait soumis une documentation détaillée au soutien de la véracité de leur relation, la preuve de disponibilité des fonds était largement suffisante et, comme preuve du lien d’attache à son pays d’origine, son fils mineur ne l’accompagnait lors de sa visite au Canada.

Avec l’apport de l’intelligence artificielle et le peu de temps octroyé aux agents d’immigration dans l’évaluation des demandes (entre 5-7 minutes selon nos sources), ce type de décision injuste est malheureusement répandue.

Finalement, cette ressortissante a postulé de nouveau quelques jours plus tard, avec la même documentation au soutien de sa demande, et la demande a finalement été approuvée…

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