Aide fédérale aux médias : les grandes entreprises seraient favorisées

«Nous devons continuer d’avoir une presse vivante, professionnelle, fiable et indépendante», a rappelé le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez.
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Publié 25/05/2019 par Jean-Pierre Dubé

Après avoir exercé des pressions soutenues pendant trois ans pour obtenir une aide critique aux médias touchés par la chute de revenus, les journaux et radios communautaires se heurtent à des critères et des délais.

Des mécanismes seront créés par Ottawa, mais on ignore quand seront débloqués les fonds pour l’appui au journalisme local. Des questions demeurent aussi quant à la pertinence de l’offre.

Le fédéral a franchi une étape le 22 mai en détaillant le processus de nomination du comité chargé de lancer deux mesures fiscales confirmées lors du budget de mars dernier: une aide quinquennale de 595 millions $ sous forme d’un crédit d’impôt sur la masse salariale et une capacité de produire des reçus officiels pour dons de charité.

journal presse
Les journaux sont de plus en plus minces. (Photo: Pixabay)

Journalisme local

«Nous devons continuer d’avoir une presse vivante, professionnelle, fiable et indépendante», a souligné le ministre Pablo Rodriguez. «Nous franchissons donc aujourd’hui une nouvelle étape vers la mise en œuvre de ces mesures visant à soutenir le journalisme canadien et local.»

Le président et éditeur du quotidien Le Droit, Pierre-Paul Noreau, se dit encouragé. «C’est une aide nécessaire et qu’on ait les détails maintenant me rassure: on n’en avait pas tellement parlé depuis le budget [de mars]. Ça montre que les choses vont se faire avant le déclenchement des élections fédérales [d’octobre].»

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Pour garantir l’indépendance du comité, le ministre du Patrimoine canadien a demandé à huit organismes représentatifs de l’industrie de soumettre chacun une candidature. L’Association de la presse francophone (APF) participera.

Des journaux qui ne sont pas admissibles

Son président, Francis Sonier, avait mal réagi lors de l’énoncé budgétaire, constatant que la plupart des 23 membres n’allaient pas se qualifier pour le crédit d’impôt, à défaut du minimum requis de deux journalistes. Selon lui, très peu de membres peuvent s’afficher comme organisme de charité.

«On représente des petits journaux et la plupart ne sont pas admissibles parce qu’ils ont un seul journaliste ou des pigistes et des contractuels. Ce n’est pas réjouissant que la plupart ne reçoivent aucun soutien. Plusieurs sont déjà dans une situation très précaire.»

Le Droit est membre de l’APF, mais il est aussi représenté par le Groupe Capital Médias. De plus, Pierre-Paul Noreau siège au conseil de Médias d’Info Canada et son journal se qualifie pour les mesures fiscales.

«C’est certain que le comité est représentatif du milieu», note l’éditeur. «Les gens qui vont définir les critères sont impliqués. Ils ont un intérêt direct à recommander les règles les plus utiles pour la pérennité de l’ensemble des médias.»

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Une règlementation adoptée avant les élections

Le comité a le mandat d’établir les critères d’admissibilité et les types d’employés bénéficiaires. Il recommandera aussi la composition de l’organisme chargé de gérer les demandes d’aide.

La question des délais ne dérange pas Pierre-Paul Noreau. «Les fonds ne sont pas disponibles cette année. Il faut d’abord dépenser l’argent pour récupérer le crédit imputable. Depuis janvier, on sait que les dépenses admissibles que nous faisons seront remboursées l’an prochain.»

«C’est toute la différence de savoir que les choses sont enclenchées et qu’une règlementation sera adoptée avant les élections. C’est un peu juste, on aurait aimé que ce soit fait plus rapidement.»

Le ministre Rodriguez a également nommé les organisations responsables d’administrer un autre fonds fédéral de 50 millions $ sur cinq ans pour soutenir le journalisme local.

«Tout le monde est sur la corde raide»

Dans ce cadre, La Presse canadienne et Médias d’Info Canada seront responsable du journalisme imprimé et en ligne, tandis que d’autres groupes, dont l’APF, seront chargés de l’appui aux radios et télé communautaires, ainsi qu’aux médias de langue officielle en situation minoritaire.

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Dans une entrevue à la SRC, le président de l’Association des radios communautaires de l’Ouest et des territoires, Michel Vézina, s’est inquiété de la situation des médias francophones.

«Tout le monde est sur la corde raide. À cause des grands comme Google et compagnie, la masse publicitaire a fondu et la plupart des membres passent par une période extrêmement difficile.»

Des membres de l’Association de la presse francophone étaient réunis en planification stratégique en avril dernier. Assise: Linda Lauzon.

Pas de chèque avant la fin de 2020

Le président craint la conjoncture politique. «Les élections fédérales sont très proches. Ça laisse de nombreux points d’interrogation, surtout qu’on sait que les conservateurs se sont beaucoup questionnés sur cette décision. On pourrait donc se retrouver devant une autre problématique après les élections.»

La directrice générale de l’APF, Linda Lauzon, doute que les 50 millions $ sur cinq ans pour le journalisme local soient suffisants. Selon elle, les besoins des médias en milieu minoritaire sont estimés à quelque 20 millions par année. Les échéances la dérangent aussi.

«Il semble que les gens ne recevront pas de chèque avant la fin de 2020», a-t-elle signalé à Radio-Canada. «C’est deux ans après la période d’admissibilité, et cela nous préoccupe beaucoup. Parce qu’il va falloir tenir d’ici là et pas juste vivoter.»

Auteur

  • Jean-Pierre Dubé

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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