Parmi la haute direction du ministère de la Justice de l’Alberta, il y a toujours eu un groupe influent de hauts fonctionnaires pour qui la langue française a un statut similaire à une langue étrangère.
Sans qu’ils en soient pleinement conscients, leur bible est le rapport de Lord Durham (1792-1840). Nommé commissaire au Canada pour étudier la situation créée par la rébellion de 1837, il parcourt le Bas-Canada comme le Haut-Canada afin de se faire une opinion sur l’état des relations entre les Britanniques et les «Canadiens» et d’en tirer des conclusions. L’émissaire britannique découvre au Bas-Canada «deux nations en guerre au sein d’un même État». Son rapport de 1839 est le fondement de l’Acte d’Union de 1840.
«Ce n’est nulle part une vertu du peuple anglais de tolérer des coutumes et des fois qui lui sont étrangères. Habituellement conscient de sa propre supériorité, il ne prend pas la peine de cacher aux autres son mépris pour leurs usages… La langue, les lois et le caractère du continent nord-américain sont anglais. Toute autre race que la race anglaise (j’applique cela à tous ceux qui parlent anglais) y apparaît dans un état d’infériorité. C’est pour les tirer de cette infériorité que je veux donner aux Canadiens notre caractère anglais.»
Ces fonctionnaires anglo-suprémacistes sont fort habiles dans l’art de manœuvrer. Ils se conduisent comme s’ils sont exemptés de respecter la jurisprudence bien établie de la Cour suprême du Canada en matière d’interprétation des droits linguistiques. Ils s’assurent que leurs subalternes suivent des directives en harmonie avec leur étroite vision.
Ils estiment que leur objectif de brimer les droits d’une minorité de langue officielle les autorise à dire ou à écrire n’importe quoi. Lorsqu’il devient trop évident qu’ils sont dans l’erreur, il n’est pas question d’admettre leur faute, encore moins de s’excuser, car cela pourrait conduire vers la voie d’une réconciliation ou d’une réparation. Ils trouvent alors un autre moyen de parvenir à leurs fins. Si cela leur semble nécessaire, ils n’hésitent pas à fournir directement ou indirectement une information incomplète ou erronée à un citoyen, à un ministre ou à un juge.
Ces quelques lignes pourraient paraître une exagération si elles n’étaient pas appuyées par des exemples concrets. L’espace qui m’est alloué me permet aujourd’hui de vous en présenter quelques-uns.