Une histoire populaire de l’humanité

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Publié 19/06/2012 par Gabriel Racle

Une histoire populaire de l’humanité. Sous ce titre intrigant et quelque peu énigmatique, les Éditions du Boréal viennent de publier un ouvrage de l’historien britannique atypique Chris Harman, décédé au Caire en novembre 2009, et dont les écrits et les prises de position ont retenu très largement l’attention. Les lecteurs francophones ont ainsi une de sers œuvres majeures à leur disposition.

Le livre est impressionnant, par son format (24×16 cm) et par son épaisseur (4 cm), car il ne compte pas moins de 735 pages, mais le récit historique proprement dit ne compte que 665 p., les notes ayant été rejetées à la fin. On ne les lit donc pas. Comme le disait avec humour mon éditeur, les notes de fin se perdent, car elles ne sont pas intégrées dans la mélodie du texte.

La structure donnée à son ouvrage par l’auteur en facilite la lecture. C. Harman a divisé son histoire en sept parties qui forment par elles-mêmes des ensembles, subdivisés en chapitres précédés d’une chronologie servant de repère ou de récapitulatif.

Signification

Il ne faut pas se méprendre sur la signification du titre. Il ne s’agit pas de l’histoire de l’humanité. Quant à l’adjectif populaire, il ne faut pas le prendre au sens courant, comme dans chansons populaires ou histoires et légendes populaires. Il faut revenir à sons sens adjectival originel de ce qui caractérise le peuple, qui concerne le peuple.

Le titre anglais est plus clair, A People’s History of the World. C. Harman suit l’exemple donné par Howard Zinn (1922-2010), historien étatsunien qui avait publié en 1980 A People’s History of the United States, traduit comme Histoire populaire des États-Unis. On connaît désormais sous le nom d’histoire populaire une histoire centrée sur les peuples et non sur les États, leurs gouvernants, leurs réalisations, comme le fait l’histoire traditionnelle.

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Histoire du peuple

Harman élargit le concept de Zinn en proposant une histoire sociale, une histoire des peuples du monde, de leurs luttes, de leurs révolutions et de leur évolution, au fil du temps, «De l’âge de pierre au nouveau millénaire», comme l’indique le sous-titre.

Il s’agit donc d’Une histoire, celle que voit Harman selon ses perspectives, qui ne parle ni des rois, ni des chefs d’État, des généraux ou de personnalités politiques, mais de cette société des oubliés, des méconnus, des petits, des sans-grade.

Harman pourrait reprendre à son compte cette citation d’on ne sait qui: «Ce ne sont pas les grands hommes qui font l’Histoire, c’est le Peuple avec son sang et ses larmes.»

Les classes

Comme il n’est pas question d’analyser en détail un livre aussi dense, voici deux exemples qui montrent l’orientation choisie par l’auteur. La première partie s’intitule «L’apparition des sociétés de classes». Partant d’une période qu’il dénomme «Avant les classes», il mentionne que: «L’émergence de la civilisation est généralement considérée comme l’une des grandes avancées de l’histoire humaine, de l’ordre de celle qui sépare l’histoire de la préhistoire.

Mais partout où ce cap a été franchi, elle fut accompagnée de bouleversements, négatifs ceux-là: le développement des divisions de classe, avec l’instauration d’une minorité privilégiée vivant du travail des autres et la mise en place de corps d’hommes armés, de soldats et d’une police secrète – en d’autres termes une machine d’État – destinés à asseoir le pouvoir de cette minorité sur le reste de la société.»

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L’oppression des femmes

Dans la même partie, Harman montre que l’évolution du travail agricole, de la période des chasseurs-cueilleurs, en passant par l’agriculture utilisant des instruments manuels, à la période de la charrue, des chevaux et du bétail, a entraîné la suprématie masculine.

«Partout, les femmes furent les grandes perdantes de la polarisation en classe et de l’apparition de l’État… Jusque là associées aux hommes dans les prises de décision elles furent désormais assignées à une position subalterne.»

Réflexions

Toutes les pages de ce livre suscitent la réflexion et nombre de faits historiques connaissent leur transposition dans le monde actuel. On pourrait parler des femmes africaines, de leur statut et de leur rôle, des crimes d’honneur.

On peut transposer «Les brochures comme armes» à Kiev, où des Ukrainiennes affirment: «Nos seins sont nos armes et nous les avons toujours avec nous.»

On peut ne pas toujours être d’accord avec l’auteur. On peut regretter l’absence d’un chapitre consacré à l’emprise des religions sur les sociétés, avec les conséquences positives et négatives qui en résultent. Mais on ne peut ignorer l’apport de ce livre à la compréhension de tout une tranche du passé, souvent négligée, et qu’il est bon de se remémorer pour envisager l’avenir.

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«Le révolutionnaire irlandais James Connolly a dit: «Les seuls véritables prophètes sont ceux qui modèlent l’avenir.» Comprendre le passé peut y aider.

C’est pourquoi j’ai écrit ce livre.» Ainsi se clôt cet ouvrage irrésumable, qui offre une lecture du passé pour orienter l’avenir.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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