La «culture du viol» déborde des universités

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 02/11/2016 par Agence Science-Presse

Des manifestations ont lieu ces temps-ci dans quelques villes et universités québécoises pour dénoncer la «culture du viol» à la suite des récentes agressions perpétrées à l’Université Laval. Les administrations des universités, accuse-t-on, minimisent ce phénomène ou ne sont pas équipées pour l’éradiquer.

Le terme reste controversé, ses détracteurs (comme Lysiane Gagnon) affirmant qu’en englobant trop de gestes répréhensibles, il minimise les plus graves, les agressions physiques, en exagérant les plus communs comme les commentaires déplacés.

Justement, ce que l’on appelle «culture du viol» en sociologie touche une population plus large que le seul sous-groupe d’individus qui commettra la majorité des violences sexuelles. Il inclus ceux qui endossent les idées que «cela n’arrive pas à une femme bien» ou que «si elle s’habille comme ça, c’est de la provocation».

Aveux troublants

Le phénomène déborde des universités. «Ce n’est pas réservé au milieu étudiant. Il y a une dimension culturelle et sociale au problème», annonce Massil Benbouriche, chercheur associé en Santé biocomportementale à la Wayne State University (États-Unis).

Sa thèse, présentée récemment à l’école de criminologie de l’Université de Montréal, porte sur les effets de l’alcool et de l’excitation sexuelle sur la perception du consentement. Bien que l’échantillon reste modeste, les résultats de ses travaux alarment par le nombre élevé de réponses qui cautionnent le mépris du consentement.

Publicité

La moitié des 150 participants, des hommes de 20 à 39 ans – dont 40% d’étudiants – estiment qu’ils pourraient utiliser des stratégies coercitives (promesses, menaces, intoxication du partenaire, etc.) pour avoir une relation sexuelle. Et un participant sur trois avoue qu’il pourrait passer à l’acte si les conditions étaient favorables – «si Marie, non consentante, ne portait pas plainte et que vous n’aviez aucune chance d’être poursuivi».

40 ans après, même mentalité

Ces réponses sont semblables à celles obtenues dans les années 80 – qui variaient de 27 à 35% des participants d’alors – au sein de questionnaires sur le même sujet. Cela soulignerait combien les mentalités ont peu changé, malgré de nombreux programmes de sensibilisation à l’école secondaire et à l’université.

«Évidemment, il y a un écart entre répondre “je le ferais” et la vie réelle, mais ce taux élevé signifie que certains hommes considèrent “normal” de pouvoir répondre oui à une telle question, ce qui dénote d’un certain laxisme sociétal et d’une culture assez permissive quant aux violences sexuelles», relève Massil Benbouriche.

En outre, le chercheur pense que de nombreux participants font preuve de réserve en situation de laboratoire, malgré la garantie de confidentialité et d’anonymat. Ils seraient peut-être plus nombreux à avaliser cette réponse. «C’est une question peu aimée des chercheurs, qui pensent généralement que personne ne dira qu’il violerait une femme, même au sein d’une étude», note-t-il.

«Un verre de trop»

«Il avait trop bu.» «Il ne s’est pas rendu compte.» Alors que la consommation d’alcool est généralement mise en avant pour expliquer de nombreuses situations de violences sexuelles, avoir un verre dans le nez ne constitue pas une excuse.

Publicité

Certains participants se sont vu offrir un verre et d’autres pas, pourtant leurs réponses n’ont pas été corrélées avec l’ingestion d’alcool.

Face au peu de réponses sur les campus à cet insidieux phénomène, un mouvement social vient d’être lancé: Québec contre les violences sexuelles. Une partie de la solution pourrait provenir des programmes visant les témoins de violences à caractère sexuel, ainsi que des programmes visant plus spécifiquement les hommes.

Une campagne ontarienne de prévention de l’intimidation et des agressions vise d’ailleurs précisément les témoins, qui sont invités à intervenir ou à ne pas se taire.

«Il faut lutter contre la dilution de la responsabilité des observateurs de situations potentielles de violence sexuelle en leur apprenant quand et comment intervenir. L’auteur de violence sexuelle est le plus souvent (85%) quelqu’un de notre entourage ou une connaissance plus ou moins intime», rappelle Massil Benbouriche.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur