Lorsqu’un représentant de la Couronne ne consent pas à une demande présentée pour obtenir la tenue d’une audience en français en vertu du Règlement albertain 158/2013, il n’a pas à expliquer les motifs de sa position. Dans l’affaire R. c. Joey Couture, entendue le 22 février dernier devant le tribunal de Red Deer, un avocat de Justice Alberta s’est toutefois aventuré à tenter de justifier son non-consentement.
Il a prétendu que, dans la cause Caron (2015 CSC 56), la Cour suprême du Canada (CSC) a décidé qu’en Alberta, il n’y a pas de droit à un procès en français. L’affirmation est si catégorique qu’on peut se demander si, dans l’esprit de son auteur, elle inclut tant le procès criminel que le procès civil en français. Le poursuivant albertain a-t-il erré? Le tribunal a-t-il été induit en erreur?
Je partage avec vous des commentaires reçus à cet égard.
«C’est complètement loufoque! La Cour suprême n’a pas pu enlever des droits que l’Alberta elle-même reconnaît dans sa loi linguistique. La langue des procès n’était même pas en litige dans l’affaire Caron.»
– Sébastien Grammond, ex-doyen, Faculté de droit, Section de droit civil, Université d’Ottawa, et un des avocats de Pierre Boutet.
«Je suis du même avis que Sébastien Grammond, en ajoutant, par ailleurs, que le législateur fédéral a prévu, aux articles 530 et ss., le droit de subir un procès criminel en français, la portée de ses articles ayant été interprétée de façon large par la Cour suprême dans l’arrêt Beaulac (1999).»
– Maître Frédéric Bérard, constitutionnaliste et codirecteur de l’Observatoire national des droits linguistiques, Faculté de droit, Université de Montréal.