Pourquoi le Canada multiculturel est-il absent de la Coupe du Monde?

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 20/06/2006 par Yann Buxeda

Pendant un mois, du 9 juin au 9 juillet, la Coupe du monde de soccer va faire vibrer l’ensemble de la planète. Une compétition que le Canada suivra, une fois encore, en tant que simple spectateur, après s’être vu largement dominé dès le second tour des éliminatoires continentaux. Un fait rare, voire exceptionnel pour un pays qui compte une trentaine de millions d’habitants, dont une forte proportion d’immigrants de pays où le «football» est une religion.

À prime abord, le Canada avait tout pour devenir une nation importante sur la planète soccer. À commencer par ce vivier d’immigration, si cher aux pays européens, qui avait notamment façonné la victoire de l’équipe de France «Black-blanc-beur» en 1998.

Oui, mais voilà. Ici, le soccer n’est pas une institution culturelle et ne parvient toujours pas à percer dans un paysage sportif où le seigneur hockey règne en maître devant ses vassaux base-ball et basket-ball. Un fait unique sur le continent puisque si l’Amérique du sud et le Mexique sont depuis longtemps acquis à la cause du ballon rond, les États-Unis se prennent peu à peu au jeu et soutiennent maintenant ouvertement leur «Boys».

Mais le Canada, selon la formule consacrée, resiste encore et toujours à l’envahisseur «socceristique». Après sa piètre campagne lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2006, le pays pointe à une peu reluisante 83e place au classement mondial, derrière Panama et le sultanat d’Oman. À cela plusieurs raisons évidentes, qu’elles soient budgétaires ou marketing.

Mais une autre thèse, cette fois sociologique et historique, vient s’appuyer sur des éléments plus culturels que matériels. Selon John McClelland, sociologue à l’Université de Toronto, ce désintérêt pour le soccer est en fait un résidu du colonialisme: «Àprès la première guerre mondiale, la population canadienne a connu une forte aversion pour ce qu’il restait du colonialisme anglais. Au même titre que le cricket, le soccer a été interprété comme un «sport d’anglais», et a par conséquent été fortement renié par la population.»

Publicité

Un raisonnement qui se poursuit quelques années plus tard, avec l’après-guerre des années 50: «À cette époque, deux sports étaient pratiqués par les enfants dans les cours de récréation; le hockey et le soccer. Et c’est ici que l’un a pris le pas sur l’autre, puisqu’à cette époque, la Ligue de hockey était déjà prestigieuse et fasait rêver les enfants, alors que l’équivalent n’existait pas en soccer. La sélection s’est effectuée tout naturellement et le soccer s’est mué en jeu pour enfant plutôt qu’en sport pour les Canadiens.»

Un constat qui vient légitimer le fait que l’apport de l’immigration européenne et sud-américaine ait eu si peu d’impact sur l’évolution du soccer canadien.

C’est en tout cas comme cela que le perçoit le sociologue: «Avec les premières vagues d’immigration, le soccer est redevenu un sport, mais un sport d’étrangers. Un préjugé entretenu par les communautés, qui n’ont pas partagé ce plaisir du ballon rond avec les locaux. C’est toujours le cas à Toronto par exemple, où il existe beaucoup d’équipes de quartier dans les communautés italiennes, grecques ou portugaises, mais il y a très peu d’interaction communautaires. Tout est très recentré sur le sentiment identitaire.»

Une barrière ethnique qui n’est donc toujours pas brisée, mais qui, selon John McClelland, pourrait bien offrir au Canada une vraie opportunité de s’affirmer dans le monde du soccer, ce qui ne serait pas un mal. Car avec une seule participation, trois défaites et aucun but de marqué – c’était en 1986 – le Canada est pour le moment simple spectateur d’un mouvement sportif et social d’une ampleur planétaire.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur