On apprend avec son cerveau

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Publié 24/05/2011 par Gabriel Racle

Un tel énoncé peut paraître une lapalissade. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. «Pendant longtemps, la pédagogie a étudié et développé des modalités d’apprentissage sans vraiment tenir compte du cerveau, de la même façon d’ailleurs que l’étude du cerveau s’est fait sans établir des liens avec la pédagogie.» Nous avions écrit cette phrase en 1983, en ajoutant: «Les temps changent, heureusement…»

Et ils ont bien changé, ce qui a de nombreuses répercussions. C’est d’une part l’intérêt porté à la pédagogie par des neuroscientifiques. C’est d’autre part, la prise en considération par des pédagogues de ce que disent ces spécialistes, en permettant ainsi des avancées pédagogiques. De nombreux articles ou ouvrages font maintenant état de ces recherches ou de ces interactions.

Quelques rappels

Tout commence avec les neurochirurgiens étatsuniens Bogen et Sperry, suite à la découverte de la spécificité hémisphérique.

«Le point clé qui en émerge, écrit Sperry, est qu’il y a deux modes de pensée, verbal et non verbal, représentés plutôt séparément dans les hémisphères droit et gauche, et que notre système éducatif tend à négliger la forme non verbale de l’intelligence.»

De son côté, le Dr Lozanov, psychiatre et psychologue bulgare, avec le neurologue F. Balevski, met au point une pédagogie qui intègre précisément les capacités hémisphériques droites, avec l’apport de la musique, du dessin, des arts, pour faciliter l’acquisition rapide des connaissances et leur maintien.

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Nous avons nous-mêmes proposé dans La pédagogie interactive (Retz, 1re édition 1983) une synthèse des ces différentes approches, avec une première partie intitulée

«Le cerveau au centre de tout apprentissage» et une deuxième «Implications et applications pédagogiques».

Howard Gardner a présenté la théorie des Intelligences multiples (Retz, 1996) et R. Steinberg sa théorie triarchique de l’intelligence, pour ne citer que quelques publications importantes.

Les enfants et l’école

Sous ce titre provocateur – ou réaliste? – Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école!, La Librairie des Écoles, à Paris, publie une traduction française de l’ouvrage de Daniel T. Willingham, professeur à l’Université de Virginie, paru en avril 2009 aux États-Unis.

L’intitulé anglais précise qu’un spécialiste en psychologie cognitive répond aux questions concernant la façon dont fonctionne le cerveau et les répercussions qui en découlent en salle de classe.

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L’ouvrage compte huit chapitres, qui abordent différents thèmes pour donner une explication et en tirer des implications pour les cours. Par exemple, connaissances et compétences, meilleure mémorisation de la télévision que des cours, le rabâchage, l’adaptation des cours.

Cette segmentation des questions peut faciliter la transmission d’un message finalement unique: les modalités fonctionnelles du cerveau régissent l’apprentissage et la mémorisation.

Rien de nouveau

L’autre intérêt de l’ouvrage est de confirmer ce que l’on savait déjà. Ainsi, les connaissances doivent précéder les compétences, car on apprend mieux en terrain connu.

«La lisibilité d’un texte n’est pas purement graphique ou linguistique: elle est aussi fonction des connaissances du lecteur; ce n’est donc pas sans conséquences pratiques pour l’apprentissage de la lecture notamment. La lisibilité n’est pas séparable de la compréhension.»

Ainsi on apprend plus facilement à lire, si cet apprentissage porte sur un domaine familier. Cette citation provient de notre article sur la lisibilité paru dans Communication et langage en 1988. Le principe s’applique à de nombreux domaines.

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L’auteur ignore les travaux du Dr Lozanov, qui montre pourtant l’association entre apprentissage et domaine notionnel et artistique, comme l’emploi de la musique, les jeux de scène, les activités manuelles. Il montre aussi les influences négatives sur l’apprentissage de certaines techniques, par l’effet suggestif de deuxième plan qu’elles comportent.

Autres précisions

Ainsi, il faut faire attention à la répétition et ne pas la faire en boucle, ce qui suggère une difficulté. Il faut «déboucler» la répétition et éviter le rabâchage en modifiant les situations.

L’auteur ne tient également pas compte de l’environnement matériel ou social, qui joue un rôle paraconscient important dans l’ensemble des processus d’apprentissage et de mémorisation.

Si les enfants mémorisent mieux la télévision, c’est à cause des associations visuelles, sonores et émotionnelles qui mettent en jeu l’ensemble du domaine cérébral et facilitent ainsi la rétention, puisque l’information comporte plusieurs «points d’ancrage».

Certains exemples donnés sont équivoquent, par exemple en ce qui concerne l’entraînement. Ce n’est pas la même chose d’apprendre à lacer ses chaussures et d’apprendre à lire. Les centres cérébraux concernés ne sont pas les mêmes, les activités manuelles ou physiques ne sont pas des activités intellectuelles, forcément abstraites.

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Les bibliographies renvoient toutes à des revues ou des ouvrages de langue anglaise, pas toujours faciles à trouver. Il existe pourtant d’excellents travaux en langue française d’accès plus facile. Et classer les ouvrages comme étant compliqués ou assez compliqués n’incite pas à les lire. C’est, dirait Lozanov, une suggestion négative.

Mais dans l’ensemble, le rappel de principes pédagogiques de base est une bonne chose, au cas où on les aurait oubliés.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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