Aujourd’hui, allons-y donc, proposons une recette à contre-temps. Parce que le pot-au-feu, c’est typique, c’est classique, c’est culturel, ça appartient aux rigueurs de l’hiver.
Tôt ou tard, persécuté par les frimas, les lèvres violacées par des températures sub-humaines, on se met alors à en avoir envie. Tôt ou tard, on éprouve le besoin d’être à nouveau séduit par ce bouillon foncé aux gros yeux doux, de se brûler à sa chaleur, de se laisser envelopper par la richesse de toutes ses textures animales et végétales, d’être piqué au vif par la moutarde ou le raifort et, les entrailles bouillonnantes et les muqueuses en délire, d’en pleurer presque de joie et de gratitude, de préférence au moment où se déchaîne au dehors une catastrophe climatique quelconque. Carpe diem.
Car à l’instar du cassoulet, de la choucroute, de la paëlla ou même de l’aïoli, voici encore un plat du pauvre, c’est-à-dire un fourre-tout de génie ou l’on a jeté pêle-mêle dans un chaudron de manante des denrées rustiques, des restes de tous poils et des bas-quartiers, voire même des os à sucer.
Le choix des ingrédients n’est pas fixe, les apprentis-cuisiniers consciencieux et appliqués qu’obsèdent les poids, les mesures et les proportions, ceux qui veulent tout codifier et biblifier n’y trouveront pas leur compte, se sentiront mal à l’aise devant toute cette anarchie créative.
Parce que ce à quoi le pot-au-feu se prête le mieux, c’est aux ajoutis, improvisations, approximations. En un mot, il y a autant de recettes du pot-au-feu que de régions, de villages ou même de grands-mères. Et si cela en plonge certains dans la perplexité, cela nous protégera aussi dans une certaine mesure de la critique, car: «Oh, chez moi, c’est comme ça qu’on le fait, hé!». Qu’on se le dise!