Daniel Soha jongle allègrement avec rêve et réalité

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Publié 17/08/2010 par Paul-François Sylvestre

C’est sur les Bluffs, ces grandes falaises de sable de Toronto, que Daniel Soha se consacre à l’écriture, tantôt comme traducteur ou chroniqueur, tantôt comme romancier ou nouvellier. Son plus récent ouvrage s’intitule La Maison: une parabole. Ce roman, où sont exploitées plusieurs facettes de la psychologie et de la philosophie, a été finaliste du Prix Trillium 2009.

Dès les premières pages, le lecteur apprend que le narrateur Pierre vient de se réveiller dans une maison qu’il ne connaît pas et dont il ne peut sortir, sans aucun souvenir de son passé, ou très peu.

Il est en compagnie d’autres «pensionnaires» dans la même situation. Petit à petit se met en place une lutte pour le pouvoir… et le savoir qui est souvent un outil de domination.

Parallèlement, Pierre devient en proie à des visions de plus en plus apocalyptiques.

Une trentaine de pensionnaires vivent dans cette maison hermétiquement scellée. Ils réfèrent à leur vie passée en disant «je me demande ce que je faisais dans le civil». Certains croient qu’ils sont le fruit d’une expérience scientifique sur la mémoire et l’identité.

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Les pensionnaires ont chacun une chambre, ils circulent dans de grands salons, ils mangent à la cuistaumatt, ils peuvent se procurer des condoms à la pharmatt, ils ont accès à une chapelle, mais ils se trouvent le plus souvent à la bibliothèque «pour essayer de se reconstituer un passé et une continuité».

Vous avez remarqué que l’auteur invente des mots comme la cuistaumatt et la pharmatt. C’est bien pensé, voire original. En revanche, il m’a parfois semblé que Soha se forçait pour émailler son texte de mots trop recherchés, comme dibbuk, paramécie, amanite phalloïde et œil sélénite.

Je dois par ailleurs avouer que le romancier m’a fait rire en écrivant ceci: le plus cher à l’homme, une fois qu’il a le ventre plein, est le bas-ventre. Je note, en passant, que toutes les relations dans ce roman sont hétérosexuelles.

Là où Daniel Soha s’est avéré le plus coquin, c’est lorsqu’il a lancé un brillant clin d’œil à son éditeur en faisant en sorte que son protagoniste cache le manuscrit du présent récit dans la reliure d’une Bibliographie annotée d’Édouard Glissant. Tel est le titre d’un ouvrage d’Alain Baudot, directeur des Éditions du Gref.

La psychologie des personnages joue un rôle important dans La Maison: une parabole. Il y a Stéphanie, première arrivée des pensionnaires, qui incarne «le culte de l’horreur et de la malédiction». Il y a Jack, dernier arrivé, qui ne voit clair que dans le brouillard, «même si les silhouettes y sont floues, qu’elles prennent soudain des textures plus véridiques». Et Daniel Soha les met en scène en ne lésinant pas sur le prix à payer pour avoir l’illusion de la lucidité.

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En fin de compte, La Maison: une parabole est un roman qui essaie de répondre l’étrange question suivante: «qui peut dire si l’on va de l’avant ou si l’on recule lorsque son ambition pour le futur est de retrouver le souvenir de son passé?»

Se trouve-t-on dans la réalité ou dans un rêve, provoqué ou non?

Daniel Soha, La Maison: une parabole, roman, Toronto, Éditions du Gref, coll. Le beau mentir, no 13, 2009, 168 pages, 10,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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