Les Éditions Septentrion, qui publient surtout des ouvrages consacrés à l’histoire canadienne, ont une collection d’œuvres fictives. Hamac-carnets vient de s’enrichir d’un nouveau titre: J’écris parce que je chante mal, de Daniel Rondeau. Je ne sais pas à quel point Rondeau maltraite la chanson, mais je puis vous dire qu’il écrit avec brio et que ses textes sont finement ciselés. Je soupçonne que le directeur littéraire de cette collection, Éric Simard, a habilement encadré Daniel Rondeau qui publie, ici, son premier recueil de nouvelles.
Dans J’écris parce que je chante mal, Daniel Rondeau nous amène à la rencontre de personnages esseulés qui, pour la plupart, ont abandonné la partie et se laissent porter par un courant de fond qui suffira parfois à les rendre sincèrement heureux. Derrière leur constat d’échec, sous cette épaisse couverture où ils s’isolent, se dessinent parfois des êtres dont la volonté de vivre dépasse des blessures aussi cruelles que banales.
Courts textes
Le recueil compte 97 nouvelles mais seulement 200 pages. C’est donc dire que plusieurs textes sont assez courts. L’un d’eux ne renferme qu’une seule phrase de neuf lignes.
Il y a une nouvelle, «Monstres», qui m’a rappelé un souvenir d’enfance, celui d’imaginer qu’un crocodile rampait sous mon lit. Une autre, «Aubaines», illustre exactement le contraire de ce que le titre clame: «le bonheur peut vous filer sous le nez quand on s’attend à ce qu’il soit bien sapé même les samedis matin.»
Daniel Rondeau sait jongler élégamment avec les mots. Il écrira, par exemple, «qu’il y avait une anguille sous nos sentiments» ou que «les plus belles conquêtes sentimentales font les pires défaites». En une phrase, il peut brillamment résumer une situation aussi complexe que compliquée: «il y a pire que voir un ami pleurer: il y a le voir sourire quand on sait qu’il pleure dès qu’on a le dos tourné.»
Jeu avec les mots
L’auteur aime parfois jouer avec les mots. Sa nouvelle intitulée «Signe des temps morts» en est un bel exemple. Il commence en notant que «les fous ne cessent de parler du temps qui passe et passent leur temps à demander aux infirmiers s’ils ont l’heure». Mais les infirmiers n’ont jamais l’heure parce qu’il leur est interdit de porter une montre… au cas où ils trouveraient le temps long! Puis il ajoute qu’«on ne le trouve jamais, le temps. On ne fait que le perdre. Et dès qu’on en trouve un peu, on s’applique à le tuer.»