Renaissance à Venise

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Publié 13/10/2009 par Christine Rochet-Jacob

Pourquoi partir en lune de miel après les noces? Mais aussi, qu’appelle-t-on lune de miel? Par définition, c’est la période de 29 jours suivant les noces, censée être la plus heureuse et la plus fertile du couple.

Tant et si bien que les Pharaons de l’Égypte antique qui se mariaient, buvaient une boisson à base de miel et de propolis pendant le mois lunaire suivant leur mariage, afin d’obtenir joie et bonheur, d’où l’origine de la lune de miel. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle, que le terme s’associe à un voyage d’après-noces. Le voyage de noces, associé à la lune de miel, n’était donc qu’une mode assez récente. En tant que futurs jeunes mariés, il nous fallait changer de mode, et inverser la logique…

Objectif visé: faire un voyage reposant avant nos noces pour arriver frais et détendus le grand jour. Puis jouir des 29 jours de «véritable» lune de miel après notre mariage, en dégustant le breuvage divin, confortablement installés dans notre foyer conjugal. Je vous invite à constater les vertus thérapeutiques et romantiques de notre escapade. Ne perdez pas le fil, et suivez bien la tactique…Attention, c’est parti!

Vertige esthétique

Oh, mais, avant de vous embarquer, permettez-moi de vous rappeler que Venise est bâtie sur pilotis, et donc que, pendant les premières heures de votre séjour, vous allez avoir l’impression étrange de tanguer quelque peu. Cela n’est pas dû uniquement au vertige esthétique occasionné par tant de beauté. Non, la Sérénissime bouge sensiblement, imperceptiblement, tel un bateau ivre… Grisant!

Notre départ s’est effectué de Lyon. Amoureux des voyages en train, nous avons pris le train de nuit pour Santa Lucia, Venise. Le lendemain matin, après une succession de paysages vallonnés, de vignobles, de clochers, de bordures de mer, apparaissait enfin la vision toujours ravissante de la Cité des Doges. Bonjour Venise!

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Dès notre arrivée à Santa Lucia, la magie du lieu opérait. Au bout du quai se dessinait la silhouette familière de Stuart A. Staples, le chanteur des Tindersticks, à Venise pour la présentation du film de Claire Denis, dont il a fait la bande originale. On ne pouvait souhaiter meilleur accueil en terre vénitienne!

La sensation de vertige avait commencé. Nous avions besoin de nous poser. Nous sommes descendus à l’Hôtel Dalla Mora, dans le quartier de San Pantalon. Le réveil matinal y était assuré par le clapotis des flots et les quelques bateaux ou gondoles qui circulaient sur ce petit canal. Et peu importe les piqûres de moustiques, ce n’était qu’un bien modeste tribut à payer pour cette expérience à fleur d’eau…

Entre mythe et réalité

Bien sûr Venise, telle Paris, a gagné une place de choix dans l’imaginaire romantique collectif. Dépeinte dans de nombreuses peintures, cartes postales, chansons et autres références cinématographiques, Venise semble familière à tout un chacun.

Entre mythe et réalité, Venise a le coeur qui tangue. Parfois irritante avec son univers tarte-à-la crème et ses boutiques de masques hideux, où des flots de touristes en goguette s’empressent d’acheter le bric-à-brac carnavalesque, des gondoles en plastique kitsch qui trôneront sur la cheminée, ou encore des T-shirts et canotiers Venezia dans toutes les tailles pour la famille. Oui, parfois…

«Que c’est triste Venise!», pour reprendre la complainte chère à Charles Aznavour. Mais, Venise est le plus souvent ravissante. Dès que l’on sort des sentiers trop battus, elle vous prend de court, coupe le souffle.

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Telle une peinture de Canaletto, Venise peut s’apprécier le nez sur la toile, mais aussi en reculant de quelques pas, pour mieux saisir la vision d’ensemble, le mouvement et la grâce qui s’en dégagent. La beauté captivante de Venise est paradoxale; bruyante et criarde, mais aussi subtile et élégante. À l’image de la beauté de la façade actuelle de la Ca’ Rezzonico, en rénovation, sous son voile de reliefs en transparence.

Goût pour l’asymétrique

Les moments forts de notre séjour se sont succédés sans se ressembler; même si, notre souci de repos bien mérité d’avant-noces se profilait toujours en filigrane, tel un motif constant. De la Mostra di Venezia à la Biennale d’Art Contemporain, tout était là, à notre portée. Projection publique, style Cinema Paradiso, sur le Campo San Polo, du dernier film de Claire Denis, White Material. Balade sur le Campo Santa Maria Formosa, visite du Palazzo Querini-Stampalia, et passeggiata dans les jardins dessinés par Carlo Scarpa, l’architecte fameux qui a signé la rénovation du palais. Marquant, son goût pour l’asymétrique.

J’ai admiré Scarpa et cette aisance du dialogue accompli entre l’ancien et le moderne. Dialogue fécond que nous avons mis en pratique, en poussant la porte des boutiques si typiques à Venise. Nous avons donc salué avec bonheur les tailleurs pour messieurs, les barbiers ou pharmacies traditionnelles, telles l’Officina Profumo-Farmaceutica, Santa Maria Novella (Salizada San Samuele, San Marco 3149), ou encore les fabricants de papier marbré.

C’est finalement chez Paolo Olbi, relieur à San Marco (Calle della Mandola, 3653), que nous avons trouvé notre album de photos de mariage idéal. Ah, et puis, une dernière porte pittoresque que j’ai adoré pousser, celle de la bijouterie Ninfea, Oggetti e Bijoux d’Epoca, Castello, Calle Lunga Santa Maria Formosa, 5228. Tél: +39 347 159 2840.

Une véritable boîte de Pandore, où j’ai trouvé un ensemble de bijoux en bakélite des années 30; un duo collier et bracelet, que j’ai porté le lendemain de notre mariage. Tous ces savoir-faire rencontrés m’ont permis de mieux palper la richesse si évasive, car flottante, de Venise.

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Dans son assiette

Pour parfaire le tableau, il me faut aussi vous faire part de nos meilleures expériences culinaires. Car, en bonne épicurienne, je n’allais pas oublier de savourer Venise dans mon assiette…

La cuisine vénitienne se déguste au Bacaro (bistrot) du coin, à l’Enoteca (bar à vins), à l’Osteria/Trattoria (cuisine simple), ou encore au Ristorante (cuisine plus élaborée). À deux pas du Palazzo Querini-Stampalia, nous allions découvrir un lieu unique, voire emblématique de notre séjour à Venise: l’Enoiteca Alla Mascareta, Calle Lunga Santa Maria Formosa, 5183.

Un patron atypique, Mauro Lorenzon, qui écrit des guides sur les bars à vins d’Italie et d’Autriche, et qui accueille tous ses clients comme s’ils étaient de vieux amis conviés à la bacchanale du jour. Son’ Prosecco maison, ses sardines, ses pâtes à l’encre de seiche et son Tiramisu nous ont fait chavirer…Sapori e Colori!

Nos papilles nous ont aussi guidés jusqu’à l’incontournable Premiata Pasticceria Rizzardini, en place depuis 1742, (San Polo Campiello dei Meloni, 1415).

Nous y avons fait plusieurs haltes gourmandes pour y savourer le Marzapan, le Cioccoletto Nero, et surtout la tarte Mandorle (tarte amandine) et le Moro (un délice aux chocolat, amandes et écorces d’orange). Une autre découverte gourmande fut La Trattoria Alla Palazzina (Ponte delle Guglie Cannaregio, 1509).

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Tout le plaisir d’être au coeur du Cannaregio, tout en étant en retrait. Charmante terrasse avec vue sur le canal. En partant, j’ai remercié le patron en lui disant que tout avait été «perfetto». Il m’a répondu, avec beaucoup d’humour, que seul Dieu pouvait prétendre à un tel compliment… Enfin, quoi de mieux, pour profiter des effets bénéfiques des flots de Venise, que le traghetto ou le vaporetto – oublier la gondole, trop touristique!

Beauté brute

Nous avons ainsi souvent pris le vaporetto, notamment pour aller jusqu’à l’Arsenale (site des anciens chantiers navals) où la Biennale d’art contemporain battait son plein. Le lieu est d’une beauté brute, naturellement épurée et industrielle, vu ses anciennes fonctions. Un exotisme inattendu.

Nous n’avons pas manqué, aussi, de faire un détour rafraîchissant sur la plage du Lido. Allongés sur nos transats, la mer en fond sonore, le repos fut absolu. Incroyable cette station balnéaire, sereine et intime, à quelques lieues nautiques du coeur agité de Venise!

Contrairement à Mort à Venise de Visconti, les ondes nonchalantes de l’Adriatique ont été source de bienfaits. Histoire d’une renaissance à Venise…

www.christinerochetjacob.blogspot.com

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