La journaliste Claudette Gravel, qui a animé pendant plusieurs années des émissions du weekend à la radio de Radio-Canada à Toronto, est bénévole auprès d’organismes caritatifs en Inde, à Vârânasî-Bénarès, depuis plus d’un mois. Le pays qu’elle nous décrit est loin des paysages de carte postale ou de tout ce qu’on pourrait imaginer.
On dirait un party d’hommes ivres. Il est 20 heures et les Imams chantent à pleins poumons les louanges de Allah. Les voix proviennent de plusieurs mosquées du centre-ville de Vârânasî. Ce concert cacophonique continuera pendant une dizaine de minutes. Il reprendra au matin vers 5 heures. Les haut-parleurs les diffuseront sur plusieurs coins de rue, sans se préoccuper de déranger ceux qui ne veulent pas entendre. La communauté musulmane est grande à Vârânasî. Les Hindous et Musulmans y vivent ensemble en équilibre fragile.
Vârânasî-Bénarès, le Gange. Qui n’a pas rêvé de s’y mouiller les pieds, peut-être même de s’y plonger en entier pour «effacer les péchés d’une vie» dans cette eau sacrée, ce fleuve au fond duquel sont couchés les cadavres d’hommes saints, de bébés, de femmes enceintes, de ceux qui meurent d’une piqûre de serpent ou du choléra, de vaches, qui n’ont pas besoin d’être incinérés puisque déjà sanctifiées.
Parfois ils remontent à la surface et on voit flotter une masse recouverte d’un linceul, la tête enveloppée d’un linge doré. Ou une patte à la fourrure noire sortant d’un grand sac de plastique.
Un fleuve qui berce des dizaines de soucoupes faites de feuilles séchées remplies de fleurs et d’un lampion qui brille dans la nuit. Tant de prières sont déposées sur ses berges, tant de cérémonies pour célébrer le Gange, Dieu et les dieux, appelées pûjâs où on y verse du lait, du miel, du ghee (beurre purifié), de l’eau de rose, des épices, des colliers de fleurs.