Le commerce intérieur derrière un refus d’aider les librairies franco-ontariennes

Lucille Collard
La députée d'Ottawa-Vanier Lucille Collard a présenté un projet de loi pour protéger les librairies franco-ontariennes. Photo: capture d'écran
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Publié 19/11/2025 par Émilie Gougeon-Pelletier

Le gouvernement Ford a évoqué de possibles enjeux de conformité aux politiques d’approvisionnement et aux accords de commerce interprovinciaux pour justifier son opposition à une initiative libérale visant à appuyer les librairies francophones.

Contrairement au Québec, les institutions publiques de l’Ontario ne sont pas tenues d’acheter leurs livres auprès de librairies agréées.

La députée libérale Lucille Collard a déposé un projet de loi à Queen’s Park en octobre pour protéger et faire la promotion des librairies franco-ontariennes, dont l’avenir est plus précaire que jamais.

C’est le cas de le dire: l’Ontario ne compte plus que trois librairies francophones, y compris la librairie Panache, à Sudbury, qui n’a pas rouvert ses portes depuis l’été.

On en comptait pourtant une douzaine dans les années 1990.

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Exclusivité d’achat

La députée d’Ottawa-Vanier proposait dans son projet de loi une exclusivité d’achat de livres en français auprès de librairies franco-ontariennes accréditées pour les institutions financées par les fonds publics.

C’est le ministère des Affaires francophones de l’Ontario qui aurait été responsable de nommer un «registrateur» des librairies franco-ontariennes.

Lucille Collard suggérait aussi l’idée de permettre au ministère des Affaires francophones de créer un fonds de soutien provincial pour aider ces librairies à maintenir leurs activités.

Effets pervers

Après un seul débat en chambre, le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford a refusé d’accorder plus d’attention à cette initiative, le 17 novembre, en votant contre le projet de loi, citant des inquiétudes liées aux politiques d’approvisionnement et au commerce interprovincial.

«Imposer une voie unique d’achat» aux institutions publiques comme les conseils scolaires et les bibliothèques municipales, entre autres, «même avec de bonnes intentions, créerait des défis, des délais et possiblement des effets pervers sur l’offre elle-même», a soutenu le député conservateur Anthony Leardi lors du débat à l’Assemblée législative, le 6 novembre.

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L’adjoint parlementaire à la ministre des Affaires francophones, Stéphane Sarrazin, a quant à lui, évoqué l’idée que la force des Franco-Ontariens passe par la concertation, plutôt que par la contrainte.

«Le projet de loi […], malgré ses bonnes intentions, introduirait des rigidités qui menaceraient cet équilibre. Il ne reconnaît pas la réalité d’une francophonie diversifiée, interconnectée et tournée vers l’avenir», a soutenu le député conservateur de Glengarry-Prescott-Russell.

«Travaillons ensemble»

Mais la députée Collard maintient que le gouvernement aurait pu faire part de ses préoccupations lors de l’étude du projet de loi en comité, plutôt que de le faire mourir avant même d’en arriver à cette étape.

«Bien sûr qu’on aurait été ouverts», lance la députée lorsque nous lui avons demandé si les libéraux auraient accepté d’adapter le texte du projet de loi en fonction des commentaires du gouvernement.

«Je l’avais dit au gouvernement: “Je suis prête à travailler avec vous pour mettre en œuvre une solution. Si vous n’aimez pas ma solution, trouvez-en une qui vous convient, mais travaillons ensemble pour y arriver”. Là, le projet de loi est mort, et ce sont les librairies qui sont laissées à elles-mêmes pour se battre contre le problème.»

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Le problème

Ce problème, selon la députée, ce sont «les grandes multinationales et les entreprises québécoises, qui peuvent offrir de plus gros rabais».

Ces compagnies profitent ainsi de plus grandes chances de remporter les concours d’appels d’offres lancés par les conseils scolaires.

Le Coin du livre d’Ottawa a failli y passer, au cours des dernières années, alors que des librairies et des maisons d’édition québécoises approchaient les conseils scolaires de langue française de l’Ontario en leur offrant des rabais plus importants que la propriétaire franco-ontarienne, Nathalie Savard, était en mesure d’offrir.

«Je pleurais quand c’est arrivé», soutient celle pour qui cette entreprise, qui est la plus vieille librairie franco-ontarienne encore en activité, est une histoire de famille.

Elle dit avoir promis à son père, Normand Savard, lui qui a tenu les rênes de l’entreprise de 1988 à 2022, qu’elle ferait «comme lui» en faisant la promotion du livre francophone dans les écoles.

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Au final, c’est la loyauté des conseils scolaires franco-ontariens avec qui elle fait affaire qui fait vivre son entreprise.

Mais Nathalie Savard promet aussi qu’elle continuera de se battre pour que le gouvernement ontarien protège les librairies comme la sienne et pour que «les taxes des Ontariens ne se retrouvent pas dans d’autres provinces, comme le Québec».

L’objectif est de «garder l’argent des contribuables dans la province, et de “Protéger l’Ontario”», soutient Lucille Collard, empruntant le slogan du Parti progressiste-conservateur de Doug Ford.

Celle-ci dit avoir reçu l’appui des librairies franco-ontariennes et des conseils scolaires francophones de la province dans le cadre de son projet de loi.

Porte fermée?

À Queen’s Park, le député Anthony Leardi a assuré que le refus du gouvernement d’adopter le projet de loi de la députée d’Ottawa-Vanier «ne revient pas à fermer la porte».

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«Au contraire, nous voulons la laisser grande ouverte et la franchir avec les bons outils», a-t-il insisté.

N’empêche, le gouvernement ne travaille pas sur un nouveau projet de loi à cet effet, a confirmé au Droit le député Stéphane Sarrazin.

«On n’a pas parlé de faire notre propre législation, mais on va faire en sorte que l’on puisse favoriser les Franco-Ontariens et les librairies», a-t-il indiqué, ajoutant que des discussions avec la ministre Caroline Mulroney auront lieu «dans les prochaines semaines» pour «voir comment aider les librairies».

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