Télétravail: le centre-ville de Toronto ne retrouve toujours pas son dynamisme d’avant la pandémie

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Le centre-ville de Toronto n’arrive toujours pas à retrouver son dynamisme prépandémique. Les employés de bureau préférent le télétravail. Photo: iStock/com/Jon Bilous
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Publié 18/09/2025 par Soufiane Chakkouche

Le phénomène à la peau dure, malgré la levée de la totalité des restrictions liées à la covid depuis belle lurette, le centre-ville de Toronto n’arrive toujours pas à retrouver son dynamisme prépandémique. Et pour cause, beaucoup moins de travailleurs se rendent au bureau en personne, préférant le télétravail.

D’après de récentes données compilées par le cabinet Environics Analytics, ils étaient en moyenne quelque 4,45 millions de personnes à travailler en présentiel au bureau au premier trimestre 2020, contre seulement 2,96 cinq ans plus tard, soit une baisse de plus de 33%.

Certes, depuis la suppression des restrictions sanitaires, ce chiffre tend à augmenter au fil du temps, néanmoins, il semble stagner entre 2024 et 2025. Plus que cela, il a diminué de 1% entre le premier trimestre 2024 et le premier trimestre 2025, alors qu’il avait doublé entre 2022 et 2023.

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Évolution du nombre des travailleurs au bureau au centre-ville de Toronto depuis la pandémie de 2020. Source: Environics Analytics

Vers un «nouvel équilibre»?

«La croissance des déplacements vers le centre-ville de Toronto semble effectivement s’être stabilisée au début de cette année», confirme Rupen Seoni, directeur de la relation client au sein d’Environics Analytics.

«Je ne tirerais pas de conclusion trop hâtive du recul de 1% au T1 2025 par rapport à l’année précédente. Il est possible qu’un ‘nouvel équilibre’ se soit installé, avec de nombreux travailleurs adoptant un mode de travail hybride stable.»

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Cela dit, Rupen Seoni rappelle qu’il faut modérer l’interprétation de ces chiffres, car d’autres facteurs peuvent les influencer, à l’instar du nombre d’emplois de bureau, lui-même façonné par la santé de l’économie et la demande en main-d’œuvre, certaines fonctions étant désormais automatisables.

«Nos données ne permettent pas de distinguer séparément tous ces effets, mais l’impact global semble bien être une stabilisation dans le centre-ville de Toronto», conclut-il.

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Rupen Seoni.

43% de piétons en moins

Toutefois, si ces résultats sont à nuancer quant à la reprise du dynamisme du centre-ville de la Ville reine, d’autres données provenant de la même firme et relatives à la circulation des piétons ne laissent aucune place au doute.

Ces dernières rapportent qu’en avril 2025, le trafic piétonnier était d’environ 3,1 millions de personne au centre-ville de Toronto, soit 43% de fréquentation piétonne en moins par rapport à janvier 2020.

Là aussi, selon le rapport, après l’assouplissement puis la suppression des restrictions pour cause de pandémie, l’activité piétonne au centre-ville a d’abord connu une augmentation avant de stagner à partir du début 2024.

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Impact sur les commerces limitrophes

Indéniablement, cette chute de fréquentation a des répercussions négatives sur les commerces de proximité, tels les restaurants dont le chiffre d’affaires dépend, en grande partie, de cette catégorie de la clientèle, du moins en semaine.

«C’est certain qu’il y a un impact sur les petits et moyens commerces aux alentours, dont les revenus dépendent largement de nous, leurs clients, c’est pourquoi le système hybride peut être une bonne solution pour tout le monde», fait remarquer cet employé d’IBM Canada, Robert Renaux.

Robert Renaux
Robert Renaux.

Une déduction logique que la directrice de l’École des villes de l’Université de Toronto, Karen Chapple observe également, mais avec un brin d’optimisme.

«Le retour au travail de nombreux employés à l’automne aurait dû ramener l’activité au moins au niveau de l’an dernier (soit au moins 80% du niveau d’avant la pandémie). Nous croyons cependant que cette diminution est compensée par l’arrivée de nouveaux résidents au centre-ville, ainsi que par les acheteurs et les visiteurs.»

«Alors, certains commerces qui dépendaient principalement des travailleurs de bureau seront touchés, mais de nouveaux commerces émergeront.»

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Le Centre Eaton dépend des gens du quartier

Un espoir prudent que Rupen Seoni ne semble partager qu’à moitié. «Moins d’employés au bureau, c’est moins de cafés, de repas du midi ou d’achats après le travail.»

«On a constaté que le profil de la clientèle a changé: le Centre Eaton, par exemple, dépend aujourd’hui davantage des résidents du quartier que des navetteurs, contrairement à la période d’avant la pandémie.»

Et de poursuivre: «Les commerces qui s’en sortent ont ajusté leurs horaires, leurs effectifs et leur offre à ce nouveau contexte. Mais, comme la situation pourrait encore évoluer cet automne et cet hiver, il sera essentiel pour eux de se baser sur de bonnes données afin de comprendre comment évolue la fréquentation dans leur secteur et ajuster leur stratégie en conséquence.»

Les employeurs pressent pour un retour au bureau

Et des changements, il y en aura très prochainement. En effet, de nombreux gros employeurs, tels que les gouvernements et les banques, mettent de plus en plus la pression sur leurs employés afin que ces derniers se montrent plus souvent au bureau, surtout après l’entrée en vigueur il y a un an de l’obligation fédérale de retour au bureau.

Cela écrit, «il est peu probable», selon Karen Chapple, «que nous voyions une augmentation du nombre de travailleurs de bureau au-delà de ce que nous observons ce septembre avec les nouvelles obligations imposées aux employeurs».

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UofT
Karen Chapple.

Quelle est la formule la plus productive?

Quant à la question que tout le monde se pose dans l’intimité de sa boîte crânienne, à savoir est-ce qu’il est plus productif de travailler depuis son domicile ou au bureau, les avis sont mitigés. Car cela dépend autant du contexte professionnel que des préférences et contraintes personnelles.

Comme l’explique la directrice de l’École des villes: «Les données sont partagées sur cette question. La réponse la plus simple est que les personnes qui assument le fardeau du travail domestique non rémunéré (garde d’enfants, soins aux aînés, etc.) seront plus productives si elles peuvent organiser leur travail rémunéré autour de ces responsabilités, c’est-à-dire en travaillant de la maison. Mais, de façon générale, les entreprises et les employés sont plus productifs en présentiel.»

De son côté, Robert Renaux est loin d’adhérer à ces propos. «Je pense que je suis plus productif à la maison, car j’y ai moins de distraction, étant donné que j’y suis seul. Au bureau, je peux prendre une pause et parler pendant 10 minutes avec un collègue, sans compter le fait que je sors pour déjeuner. À la fin de la journée, je me retrouve avec deux heures où je n’ai pas vraiment travaillé», argumente-t-il.

Quant à revenir cinq jours par semaine au bureau, ce directeur de programme est catégorique: il n’en veut plus.

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