Budget de l’Ontario: des «mesures sérieuses» contre les tarifs de Trump

Dans son budget annuel déposé jeudi 15 mai, le ministre des Finances de l’Ontario prévoit un déficit de près de 15 milliards $ et dévoile la création d’une dizaine de nouveaux programmes, fonds et crédits d’impôt pour appuyer les entreprises et les travailleurs affectés par les droits de douane imposés par les États-Unis.

«L’Ontario et le Canada sont au bord du gouffre et nous devons prendre des mesures sérieuses pour éviter de nous retrouver au plus bas. Ces tarifs, imposés par les États-Unis, ont sonné l’alarme pour les Canadiens», a déclaré le ministre des Finances, Peter Bethlenfalvy, durant son discours budgétaire.

M. Bethlenfalvy a déposé un budget à saveur tarifaire à l’Assemblée législative, qui compte plusieurs nouvelles mesures pour défendre la province contre la guerre commerciale engendrée par le président des États-Unis, Donald Trump.

«Et nous devons exploiter tous les outils à notre disposition pour y parvenir, qu’il s‘agisse de notre avantage concurrentiel dans les minéraux critiques, l’énergie, la technologie, les talents, nos travailleurs ou tout autre domaine», a-t-il souligné.

Nouvelles mesures

Le gouvernement Ford créera notamment le compte Protéger l’Ontario, qui «fournira une aide immédiate sous forme de liquidités et servira de filet de sécurité à déployer en cas d’urgence pour les entreprises ontariennes qui ont épuisé le financement disponible».

Ce fonds, qui «pourrait» atteindre 5 milliards $, devrait aider les entreprises à protéger les emplois, à se transformer, et à «développer les secteurs stratégiques de l’économie aux prises avec des perturbations importantes liées aux tarifs douaniers».

La province prévoit aussi offrir un report de certains impôts et taxes pour une période de six mois pour aider les entreprises à surmonter la pente liée aux tarifs douaniers américains.

Cette mesure atteindra environ 80 000 entreprises et créateurs d’emplois et leur apportera jusqu’à 9 milliards $ de soutiens en trésorerie, apprend-on dans le budget de la province.

Le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford avait mis sur pied un programme similaire lors de la pandémie de covid, et il avait été très utile, selon de hauts fonctionnaires du ministère des Finances.

Ceux-ci continueront de surveiller de près les changements de vent qui proviennent de la Maison-Blanche au cours de ces six prochains mois dans le cadre de ce programme.

Le gouvernement ontarien mettra aussi en place le Programme d’aide aux collectivités touchées par les barrières tarifaires.

Ce financement, qui devrait atteindre jusqu’à 40 millions de dollars «en subventions flexibles adaptées aux besoins des collectivités et des industries locales» à partir de cette année, soutiendra les projets de la communauté des affaires à travers la province.

Commerce intérieur

L’Ontario lance aussi plusieurs nouveaux programmes dans la foulée de son ambition d’éliminer les barrières de commerce entre les provinces.

Alors que la vente d’alcool demeure un secteur visé par une approche commerciale particulièrement protectionniste entre les juridictions canadiennes, le gouvernement annonce qu’il veut améliorer la viticulture en Ontario.

La province lance donc le Programme d’aide à la promotion du raisin de cuve de l’Ontario, qui devrait aider les vignerons et les établissements vinicoles de la province en augmentant la quantité de raisins de l’Ontario dans les bouteilles de vin.

Le soutien annuel à ce programme pourrait atteindre 35 millions $, totalisant 175 millions $ d’ici 2030.

Par ailleurs, le ministère des Finances a réservé 50 millions $ sur trois ans pour le fonds L’Ontario, ensemble pour le commerce, annoncé en avril dernier.

Ce fonds doit mettre l’accent sur l’expansion du commerce interprovincial en soutenant les investissements dans les infrastructures, l’équipement et les procédés nécessaires pour y arriver.

Le gouvernement progressiste-conservateur lance aussi un nouveau crédit d’impôt temporaire pour soutenir l’industrie des chemins de fer d’intérêt local de l’Ontario.

Ce crédit d’impôt remboursable de 50% sur les dépenses d’entretien et de remise en état des voies ferrées admissibles en Ontario sera disponible pour les entreprises qui comptent sur ces chemins de fer pour transporter les biens et les matières premières grâce à une aide fiscale de 23 millions $ sur trois ans.

Défense nationale

Le gouvernement Ford surprend quelque peu avec ce nouveau «Programme de subventions pour la construction navale».

Il prévoit d’investir 200 millions $ pour donner des subventions non remboursables aux constructeurs de navires de l’Ontario.

Le programme soutiendra directement la formation professionnelle, l’achat de machinerie et d’équipements, et l’amélioration des infrastructures, soutient la province dans son document fiscal.

«Les constructeurs navals de l’Ontario peuvent jouer un rôle important pour renforcer les capacités nationales de construction navale du Canada et aider le pays à respecter ses engagements envers l’OTAN concernant le budget à consacrer à la défense nationale», explique le ministère des Finances.

Déficit et état des finances publiques

Le gouvernement Ford prévoit désormais un déficit budgétaire qui atteindra 14,6 milliards $ 2025-2026, soit 10 milliards de plus que ce qu’il avait inscrit à son budget provincial, l’an dernier.

Il visait l’équilibre budgétaire pour 2026-2027, mais les Ontariens devront attendre l’année fiscale suivante pour se sortir du rouge.

C’est la deuxième année de suite que le gouvernement progressiste-conservateur a reporté d’une année l’atteinte de l’équilibre budgétaire.

L’Ontario devrait donc s‘y approcher en 2027-2028, alors que le déficit devrait être de 0,2 milliards $, selon le ministère des Finances.

L’économie de l’Ontario s‘est avérée résiliente en 2024, aux dires de M. Bethlenfalvy, «le PIB réel ayant augmenté de 1,5%».

Le PIB réel devrait augmenter de 0,8% en 2025, de 1% en 2026 et de 1,9% en 2027 et en 2028.

Le ratio de la dette nette au PIB de l’Ontario devrait atteindre 37,9% en 2025-2026. Selon les projections à moyen terme, le ratio de la dette nette au PIB sera de 38,9% 3n 2026-27 et de 38,6% en 2027-28.

L’opposition inquiète

L’opposition officielle à Queen’s Park est inquiète de voir que «n’importe quelle entreprise à travers le monde» est admissible à certains des crédits d’impôts et des programmes annoncés dans le budget.

«C’est dommage de ne pas se concentrer sur les entreprises de chez nous plutôt les grandes multinationales», a noté la critique néo-démocrate en matière de finances, Jessica Bell.

Les libéraux se sont quant à eux dits déçus de voir que le gouvernement Ford n’a pas rempli sa promesse faite en 2018, soit la réduction des impôts pour la classe moyenne.

«Pourquoi ne pas mettre plus d’argent dans les poches des gens, comme nous l’avions proposé?», a demandé sur un ton rhétorique la cheffe libérale Bonnie Crombie.

«On a fait encore mieux en coupant la taxe sur l’essence, et en rendant cette coupe permanente», a indiqué le ministre Bethlenfalvy lorsque questionné à ce sujet, quelques instants plus tôt.

Le chef du Parti vert Mike Schreiner a déploré que ce budget «ignore les gens, qui sont ceux qui souffriront le plus».

Le gouvernement a «ignoré la pire crise que voit l’Ontario actuellement, outre les tarifs douaniers, soit la crise du logement», a-t-il martelé.