Marie Laberge veut retourner le sablier à sa guise

Marie Laberge, Dix jours
Marie Laberge, Dix jours, roman, Montréal, Éditions du Boréal, 2024, 168 pages, 21,95 $.
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Publié 18/12/2024 par Paul-François Sylvestre

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, demander l’aide médicale à mourir est une façon d’éviter de mourir. Voilà ce que Marie Laberge illustre dans le roman Dix jours, un face-à-face avec la mort, où la vie prend toute son ampleur.

Dix jours à vivre

Une femme de 77 ans a dix jours à vivre. Elle connaît l’heure exacte de sa mort: le 14 décembre 2022 à 11 heures. Elle décide d’écrire dans un vieux cahier «ce qui m’habite avant d’être déshabitée pour toujours». Un chapitre par jour. Elle se promet de détruire ce cahier le dernier jour (le Jour 1 puisque c’est présenté en ordre décroissant).

Mère de Monica et d’Isabelle, celle qui veut «doubler la mort, la battre en vitesse» explique à l’une d’elles qu’il est normal d’être inquiète, d’avoir de la peine, de se sentir décontenancée à l’approche de la mort. Doutes, questions et angoisses vont avec la mort.

Naître et mourir ont ceci en commun: ils se font totalement et absolument seul, peu importe le nombre de mains qui se tendent.

Aveux

Dans ce genre de journal intime, l’heure n’est pas à la pudeur, l’heure est aux aveux. Elle fait ses appels d’adieux par ordre décroissant: «les plus loin de mon cœur en premier, ceux qui ne me coûtaient pas trop».

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Hervé, une flamme d’autrefois, lui rend visite dès qu’il reçoit un coup de fil. Il la prend dans ses bras, la tient contre son corps solide et ils dansent. À ce moment, elle ressent «la paix de la chair et l’émotion pure de la complicité muette». Moment exquis de vie alors que la mort rôde.

Marie Laberge illustre comment on est capable de beaucoup dans une vie, beaucoup plus qu’on croit et avec beaucoup plus de force qu’on imagine. Elle souligne aussi que «le regret de devoir laisser des amours fait mal, c’est vrai, mais c’est aussi la marque d’une vie réussie».

Les fondamentaux

C’est en écrivant le journal de ces derniers dix jours que cette femme exalte ce qui constitue les fondements de sa vie, les amours, les enfants, les échecs autant que les heures glorieuses.

Quand le compte à rebours est amorcé, la lucidité exige sa place sans frimer. Les vanités qui servent de rempart à l’orgueil s’évanouissent. Les rapports apparaissent dans toute leur simplicité.

Le roman est dédié à la mémoire de trois femmes. Je ne sais pas si elles ont eu recours à l’aide médicale à mourir. Pour ma part, j’ai publié Ma jumelle m’a quitté dans la dignité en 2017 pour rendre à Paulette qui avait décidé de tourner le sablier à sa guise quelques mois plus tôt.

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50 ans de carrière

L’éditeur souligne que Marie Laberge célébrera cinquante ans de vie artistique en 2025, que ce soit comme actrice, metteure en scène, auteure dramatique ou écrivaine.

Un demi-siècle consacré à l’écriture sous ses formes les plus variées, de la saga familiale à l’intrigue policière en passant par l’essai. Ses livres sont lus dans toute la francophonie.

Sa grande trilogie Le Goût du bonheur (Gabrielle, Adélaïde, Florent) a fait date dans la littérature québécoise. Si Marie Laberge navigue avec aisance entre les genres, chacun de ses livres est immédiatement reconnaissable à sa griffe inimitable.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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