Le Congrès mondial acadien: «un phare» pour les Cadiens de Louisiane

Congrès mondial acadien, Louisiane
Lors du Congrès mondiale acadien 2024, la mémoire du héros acadien Joseph Broussard, dit Beausoleil, a été honorée par une plaque dévoilée par les dirigeants du comté d’Annapolis, soit l’ancienne région de Port-Royal. Photo: Marc Poirier
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Publié 17/08/2024 par Marc Poirier

S’il y a une population pour laquelle le Congrès mondial acadien (CMA) prend tout son sens, c’est bien les Cadiens et Cadiennes de la Louisiane. Leur présence reste immanquable à chaque édition, et le CMA de 2024 dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse n’a pas fait exception, bien au contraire.

Il y a trente ans, lors du premier Congrès mondial acadien de 1994, dans le Sud-Est du Nouveau-Brunswick, le chanteur cadien Zachary Richard lançait son désormais célèbre appel à l’aide: «On a tombé de la falaise, mais on n’a pas encore touché la terre.»

La première édition du Congrès a constitué de réelles retrouvailles entre les descendants des Acadiens déportés vivant en Louisiane et leurs cousins de l’Acadie d’aujourd’hui.

Depuis, le Congrès est devenu un phare pour les Cadiens, qui ont eux-mêmes accueilli l’évènement en 1999.

Congrès mondial acadien, Louisiane
Le chanteur et militant cadien Zachary Richard. Photo: Marc Poirier

«Maintenir notre culture vivante»

«Les congrès nous aident à maintenir notre culture vivante, avance Warren Perrin, grand défenseur de la culture cadienne en Louisiane. Cela aide à nos associations de famille de demeurer actives. Les congrès leur donnent un point de mire, à tous les cinq ans [l’intervalle entre chaque édition].»

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Les réunions de famille sont en effet l’un des principaux éléments qui attirent les Cadiens au Congrès. D’ailleurs, Warren Perrin était parmi des dizaines de Louisianais qui ont participé, le 14 aout, au dévoilement d’une plaque honorant Joseph Broussard, dit Beausoleil, sur les rives de la rivière Annapolis (anciennement rivière Dauphin).

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Le militant cadien Warren Perrin. Photo: Marc Poirier

«Beausoleil Broussard» – comme on le nomme souvent – est considéré comme un héros tant en Acadie des Maritimes qu’en Louisiane. Pendant les premières années de la Déportation, il a mené une résistance farouche contre les forces britanniques et de la Nouvelle-Angleterre qui pourchassaient la population acadienne.

Après la guerre de Sept Ans, en compagnie de son frère Alexandre, Beausoleil Broussard a mené un groupe d’environ 200 Acadiens emprisonnés en Nouvelle-Écosse pour s’établir en Louisiane, où des déportés s’étaient déjà réfugiés.

Plusieurs Cadiens présents au dévoilement de la plaque sont des descendants des frères Broussard. Le fait qu’ils soient accueillis par une communauté anglophone, dont plusieurs membres sont des descendants des colons de la Nouvelle-Angleterre venus occuper les terres et les fermes des Acadiens laissées vacantes par la Déportation, en a ému plusieurs, dont Earlene Broussard.

«Il a relevé beaucoup de défis en ce temps-là, et puis là, c’est à nous d’essayer de continuer à préserver notre identité et notre langue française», souligne cette militante cadienne de longue date.

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Congrès mondial acadien, Louisiane
Toile représentant Joseph «Beausoleil» Broussard. Source: Musée de la Neufve-France

Langue et identité au cœur des débats

La présence des Cadiens ne se limite pas à la participation aux rencontres de famille. Cette année, des représentants de l’Université de Louisiane à Lafayette étaient sur place.

La délégation louisianaise a même organisé un symposium pour présenter aux autres participants du Congrès l’histoire des Cadiens, leur situation actuelle et les enjeux qui les touchent.

Dans son allocution d’ouverture du Congrès, Zachary Richard a indiqué que les classes d’immersion, de plus en plus nombreuses en Louisiane, sont en train de changer la donne. «Ils [les élèves] parlent mieux français que moi et ils sont de diverses origines: hispaniques, algériennes, noires, autant que cadiennes.»

Il faut donc, d’après lui, repenser l’avenir du français dans sa région. «Aujourd’hui, on est en train d’évoluer vers une francophonie louisianaise qui est définie non pas par son origine ethnique, mais par la langue qu’on parle. Pour moi ça représente énormément d’espoir.»

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Barry Jean Ancelet. Photo: Jérôme Luc Paulin, CMA

Le débat entre la langue et l’identité fait toujours l’objet de bien des discussions au sein de la communauté cadienne. Doit-on lier absolument le fait de parler français à l’identité, lorsqu’on sait que la majorité de ceux qui se disent Cajuns ne parle pas la langue de leurs ancêtres?

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Difficile de répondre à cette question, estime Barry Jean Ancelet, auteur, professeur émérite et chercheur titulaire au Centre d’études louisianaises de l’Université de Louisiane à Lafayette.

«Il faut faire attention que, quand on attache autant de son identité à la langue qu’on parle, ça peut ouvrir des questions. Il faut faire attention de pas exclure des gens trop facilement», précise-t-il.

Le Congrès: le présent et l’avenir

Pour Barry Jean Ancelet, le fait de pouvoir débattre de ces enjeux strictement louisianais avec le reste de la communauté acadienne est une autre preuve des retombées positives du Congrès auprès des Cadiens.

«Il y a eu une énorme prise de conscience [et un éveil à] l’attachement à l’Acadie et [à] l’importance de cette histoire, pas seulement celle du passé, mais dans le présent.»

Avant le premier Congrès, la plupart des Cadiens n’étaient pas conscients de la réalité acadienne en général, avance-t-il. «Ç’a ouvert cette porte. On se sent comme si on fait partie d’un plus grand monde. Même si on n’est pas pareils, on a quand même tous ces liens.»

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Zachary Richard abonde dans le même sens : «C’est fantastique parce que ça fait 30 ans que ça dure. Et puis, la Louisiane se trouve une place de plus en plus évidente. Il y a une nouvelle génération et je pense que la courbe, la tendance est bonne.»

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Les Cadiens profitent du Congrès pour enseigner quelques pas de danse louisianaise. Photo: Nicole Deveau, CMA

La nouvelle génération est en effet bien présente au Congrès de 2024, particulièrement du côté musical avec des chanteurs comme Jourdan Thibodeaux et son groupe «Les Rôdailleurs», formé de musiciens cadiens.

La relève, c’est aussi Colby LeJeune, doctorant à l’Université de Louisiane à Lafayette. Ce dernier anime, en français, l’émission du matin de la radio KRVS, qui fait jouer presque exclusivement de la musique francophone.

Né d’une mère créole et d’un père cadien, Colby Lejeune a décidé de se réapproprier le français à l’âge de 18 ans. Il en est à sa première participation au Congrès.

«C’est important d’avoir des évènements comme ça parce que je connais beaucoup de monde qui vient en Nouvelle-Écosse faire leur propre pèlerinage, mais avoir un évènement central donne une bonne raison pour ceux-là qui jonglaient à venir au Canada. Ils peuvent planifier pour l’année du Congrès. Il y a les réunions de famille, c’est important», insiste-t-il.

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Trente ans plus tard, le cri du cœur de Zachary Richard résonne encore. Le Congrès mondial acadien a fait en sorte que, même si le sort des Cadiens de la Louisiane est toujours incertain, ils n’ont toujours pas touché terre.

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