Traverser le Canada à pied: le défi de Yannick Proulx

Yannick Proulx, marche, traversée du Canada
Yannick Proulx parcourt pendant deux ans le Sentier transcanadien de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. Photo: courtoisie
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Publié 24/09/2023 par Marine Ernoult

Yannick Proulx, originaire de Montréal, traverse le Canada à pied et en solitaire. L’aventurier marchera 16 000 kilomètres sur le sentier transcanadien, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. Un cheminement intérieur autant qu’un défi physique.

Yannick Proulx marche d’un océan à l’autre à la recherche d’un équilibre. Loin des impératifs de vitesse et de performance, le Montréalais veut prendre son temps. Le 15 avril dernier, il est parti en solitaire du cap Spear, à Terre-Neuve, à l’assaut du Sentier transcanadien qui traverse le Canada d’Est en Ouest.

30 à 40 kilomètres par jour

À raison de 30 à 40 kilomètres par jour, le quadragénaire mettra environ deux ans pour parcourir les quelque 16 000 kilomètres du sentier à travers les dix provinces canadiennes. Il devrait voir se dessiner l’horizon des côtes de la Colombie-Britannique en 2025.

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Yannick Proulx marche actuellement le long des Grands Lacs en Ontario. Photo: courtoisie

L’idée de cette échappée belle a germé dans la tête de Yannick Proulx à la lecture d’un livre sur l’ikigaï. Cette philosophie de vie japonaise permet de trouver sa raison d’être. Il s’agit de l’équilibre entre ce pour quoi une personne est douée, ce qu’elle aime et ce dont le monde a besoin.

«C’était il y a des années, mais j’ai compris à ce moment-là que mon aspiration profonde en accord avec mes valeurs, c’était de traverser le Canada à pied», raconte l’aventurier au bout du fil.

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Deux ans de préparation

À l’époque, Yannick Proulx inscrit son ikigaï dans un carnet qu’il met précieusement de côté. Rattrapé par son rythme de vie effréné, celui qui est propriétaire d’une entreprise d’évènementiel finit par perdre la trace de son rêve. Le fameux carnet ne resurgit qu’en 2021 à la faveur d’un déménagement en pleine pandémie de COVID-19.

«Avec la pandémie, ma vie a été chamboulée. J’ai pris conscience que j’étais libre de réaliser mon rêve, j’avais l’argent de côté et pas d’engagement professionnel», raconte-t-il.

Sa décision prise, Yannick Proulx met deux ans à tout organiser. Il crée une page Facebook, cherche des commanditaires, lance un appel aux Canadiens et Canadiennes qui seraient prêts à l’héberger chez eux pendant sa grande traversée. Rapidement, une centaine de personnes des quatre coins du pays se disent prêtes à l’accueillir.

Surtout, il prépare son corps à endurer des mois de randonnée avec un sac de treize kilos sur le dos. Il s’entraîne inlassablement et marche encore et toujours, des plus ou moins grandes distances chaque jour.

Aujourd’hui, le marcheur laisse son esprit vagabonder le long des Grands Lacs, en Ontario. Il a d’ores et déjà traversé les provinces de l’Atlantique ainsi que le Québec.

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Au-delà des paysages à couper le souffle, Yannick Proulx reste profondément marqué par les rencontres qui ont émaillé son voyage. Au bout du fil, il n’a de cesse d’évoquer la générosité et l’ouverture des gens dont il a croisé la route.

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Yannick Proulx dort parfois sous sa tente, mais il est très souvent hébergé par des gens qu’ils croisent sur la route. Photo: courtoisie

Une nonagénaire «allumée» et un camionneur providentiel

«J’ai vécu des histoires à tomber de ma chaise. Il a toujours suffi que je cogne à une porte pour que les gens m’invitent chez eux. Ils me nourrissent, m’hébergent et parfois me donnent même de l’argent», affirme-t-il.

À Barachois, à Terre-Neuve, il passe une soirée fascinante avec une nonagénaire «allumée» aux boucles blanches, Betty. «Je n’ai pas eu le temps de me présenter qu’elle m’a invité à rentrer chez elle pour boire un café chaud. On a jasé pendant des heures de la vie, de la nature, de rien», se souvient-il dans un sourire.

À Ingonish, en Nouvelle-Écosse, un couple le soigne et l’héberge pendant deux jours alors qu’il s’est blessé le pied. Au Nouveau-Brunswick, un appel providentiel de son ancien beau-frère camionneur le sauve d’un temps glacial et d’une pluie cinglante.

«Il était là en moins de 30 minutes. Avec son camion, il a pu m’avancer jusqu’à chez moi au Québec», se remémore-t-il.

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Aller jusqu’au bout

«Brûlé et sans énergie», Yannick Proulx retrouve alors sa femme avec laquelle il passe une semaine et demie. «J’ai failli abandonner, mais j’ai pris du recul et je me suis dit que je me sentirais incomplet si je n’allais pas au bout.»

Encouragé par son épouse, il reprend la route depuis Baie-Saint-Paul dans la région québécoise de Charlevoix, avant de redescendre vers l’Ontario.

En six mois, le voyageur a connu de nombreux moments de doute. «Le plus dur, c’est le mental. Il faut réussir à être résilient pour passer à travers la solitude. Quand je ne vois personne pendant plusieurs jours, la méditation m’aide beaucoup.»

Au fil des kilomètres, il a appris à se déconnecter pour s’abandonner aux sollicitations du chemin, s’ouvrir aux silences et au temps qui s’écoule.

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Yannick Proulx est passé par Ottawa pendant son voyage sur le Sentier transcanadien. Photo: courtoisie

«Faire une pause au bord de son existence»

«La marche est une manière de respirer, de faire une pause au bord de son existence. Il n’y a aucun engagement autre que l’instant présent», estime-t-il. «Quand je me prépare le matin, je ne sais pas où la vie va m’emmener. Je vis au jour le jour sans pression. J’y vais à l’intuition.»

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Yannick Proulx poursuivra son cheminement jusqu’en novembre. Durant les mois d’hiver les plus froids, il retournera vivre chez lui au Québec, avant de repartir vers les Prairies en avril – «ou peut-être en mars, si je me décide à faire un mois en ski de fond».

Pour étirer le temps du voyage, l’aventurier songe déjà à revenir de Colombie-Britannique en vélo. «Chaque coup de pédale m’aidera à me préparer mentalement à revenir à la maison, je sais que le retour à la routine du quotidien peut être déprimant», précise-t-il.

Yannick Proulx ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il parle d’un livre, mais aussi de conférences et d’ateliers dans les écoles. «Je veux inciter les gens à marcher. C’est un outil de choix pour reprendre confiance en soi et se dépasser.»

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