La présence des Noirs au Canada, une histoire à ne pas oublier

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Portrait de 1803 de la ville de Freetown, au Sierra Leone, fondée par des réfugiés noirs de Nouvelle-Écosse. Photo: Thomas Masterman Winterbottom, 1803, via Wikimedia Commons, domaine public
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Publié 01/02/2023 par Marc Poirier

Le Mois de l’histoire des Noirs, qui se tient chaque année en février, est toujours l’occasion tout indiquée de revenir sur les évènements du passé qui sont bien souvent oubliés, peu connus ou mal compris.

L’histoire de la communauté noire au Canada est riche et regorge de personnages dignes d’intérêt.

Il y a aussi plusieurs mythes à déboulonner, comme celui voulant que l’esclavage ait été l’affaire des États-Unis et que le Canada ait été cette grande terre d’accueil pour les Noirs en fuite.

C’est vrai, mais le Canada a également une histoire d’esclavage. C’est un aspect du passé du pays qui n’a pas toujours été justement raconté, ce qui n’est pas surprenant vu que certains grands historiens canadiens-français ont pratiquement occulté ce fait.

C’est le cas de François-Xavier Garneau, notaire puis historien, proche des patriotes du Bas-Canada.

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Dans son Histoire du Canada, dont le premier volume parait en 1845, Garneau souligne que le gouvernement français, du temps de la Nouvelle-France, avait pris une décision «qui lui fait le plus grand honneur», soit «celle relative à l’exclusion des esclaves du Canada».

Or… des historiens ont montré que c’était tout le contraire. Même s’il n’y a pas eu d’importation massive d’esclaves noirs au Canada, contrairement à ce qui s’est fait aux États-Unis, l’esclavage était présent, et ce, très tôt dans l’histoire de la colonie.

L’esclavage du temps de la Nouvelle-France

L’historien québécois Marcel Trudel, un expert dans le domaine, a écrit dans son ouvrage Mythes et réalités dans l’histoire du Québec qu’en «1689, Louis XIV autorisait la colonie à importer des esclaves noirs.»

En 1709, l’intendant Jacques Raudot légalise par une ordonnance l’achat et la possession d’esclaves en Nouvelle-France. La pratique sera renforcée par le roi Louis XV dans des proclamations faites dans les années 1720 et en 1745.

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Les trois tomes de «Mythes et réalités dans l’histoire du Québec», de Marcel Trudel.

On considère que le premier esclave noir en Nouvelle-France était un jeune enfant de six ans emmené à Québec par les frères Kirke qui avaient pris la ville en 1629.

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Après la rétrocession du Canada à la France, les frères Kirke quittent Québec, mais l’enfant est auparavant vendu à un commis français. L’enfant recevra le nom d’Olivier Le Jeune.

Selon Marcel Trudel, la Nouvelle-France comptera au total 4 200 esclaves, dont les deux tiers étaient des Panis, le nom général donné aux esclaves autochtones. Ce nom venait de la tribu Pawnee du bassin du Missouri.

Plusieurs Panis étaient capturés par des nations autochtones alliées des Français et échangés comme esclaves. Le nom en est venu à être donné à tous les esclaves autochtones, même s’ils n’étaient pas des Panis.

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Portrait d’un Panis, esclave autochtone du temps de la Nouvelle-France. Photo : Anonyme, vers 1732, via Wikimedia Commons, domaine public

Qui étaient les propriétaires d’esclaves? Les gens les plus aisés et en haut de l’échelle sociale de l’époque: seigneurs, intendants, médecins, négociants, voyageurs, marchands, officiers, avocats, prêtres, etc. Même les communautés religieuses avaient des esclaves, sauf les Ursulines.

Parmi les propriétaires, on note des gouverneurs comme Frontenac, Rigaud de Vaudreuil, son fils Vaudreuil-Cavagnal, Beauharnois; les intendants Bigot, Hocquart; les évêques de Québec Saint-Vallier, Pontbriand et Plessis, sans oublier sainte Marguerite d’Youville, fondatrice des Sœurs de la Charité de Montréal.

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Les esclaves noirs constituaient une main-d’œuvre bon marché utilisée à titre de domestiques, journaliers, cuisinières, gardiennes d’enfants ou encore cochers.

Des esclaves en Nouvelle-Écosse

L’histoire des Noirs au Canada est parsemée d’histoires surprenantes, de fuites, de drames, de réussites. L’un des épisodes étonnants s’est déroulé en Nouvelle-Écosse.

La Nouvelle-Écosse, nom qu’avaient donné les Britanniques à l’Acadie qui leur avait été cédée par la France en 1713, comptait un certain nombre d’esclaves. En 1750, il y en avait environ 400 sur près de 3 000 habitants dans la ville d’Halifax, pourtant fondée seulement un an plus tôt.

Quant à l’Île Royale (Cap-Breton), restée française jusqu’en 1758, il y aurait eu, depuis sa fondation vers 1720 jusqu’à sa capture définitive, en 1758, un peu plus de 200 esclaves, dont 90% étaient des Noirs. Dans l’ancienne Acadie française, l’esclavage était peu présent.

Les colons de la Nouvelle-Angleterre qui viennent s’installer en Nouvelle-Écosse après la Déportation des Acadiens emmènent des centaines d’esclaves avec eux.

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L’arrivée des loyalistes et des Noirs

La population noire du Canada et des provinces maritimes fera un bond avec l’arrivée des loyalistes après la guerre d’Indépendance des États-Unis.

Environ 40 000 loyalistes quitteront les États-Unis naissant vers le nord resté britannique. La grande majorité, 30 000 d’entre eux, s’installe en Nouvelle-Écosse, qui comprenait alors le Nouveau-Brunswick actuel, le reste s’établissant dans ce qui deviendra en 1791 le Haut et le Bas-Canada.

Les autorités britanniques permettent aux loyalistes d’emmener leurs esclaves.

Par ailleurs, plusieurs Noirs qui s’étaient battus du côté des Britanniques, en tant qu’esclaves ou personnes libres, franchissent aussi la frontière, attirés par la promesse de 100 acres par famille.

Durant cette période, environ 3 500 Noirs arrivent en Nouvelle-Écosse. Leur rêve de liberté sera bien souvent confronté à de l’hostilité, de la ségrégation et des inégalités.

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Thomas Peters est envoyé à Londres par la communauté noire de Nouvelle-Écosse. Il en revient avec une offre d’établissement en Sierra Leone. Photo: Allan Ramsay, circa 1760, via Wikimedia Commons, domaine public

Un nouveau départ: retour aux sources

Désabusé, un groupe de Noirs loyalistes envoie un des leurs, Thomas Peters, à Londres afin de réclamer les terres promises.

Sur place, Peters se fait approcher par un membre de la Sierra Leone Company. Il s’agissait d’une compagnie britannique formée d’abolitionnistes, de philanthropes et d’hommes d’affaires qui recrutaient des Noirs libres afin de les établir en Sierra Leone, un territoire de l’Afrique de l’Ouest contrôlée par les Britanniques.

Il y a là une ironie qui doit être relevée, puisque la Sierra Leone était l’un des principaux lieux depuis lesquels les esclaves africains étaient envoyés par bateau de l’autre côté de l’Atlantique.

Toujours est-il que Thomas Peters revient en Nouvelle-Écosse avec cette offre d’établissement en Sierra Leone. Environ 1 200 Noirs de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, soit près du tiers de ceux qui étaient arrivés après la guerre d’Indépendance américaine, répondent à l’appel.

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Document datant du 2 août 1791 de la Sierra Leone Company, compagnie britannique, invitant les Noirs de la Nouvelle-Écosse à s’établir en Sierra Leone. Photo: Archives de la Nouvelle-Écosse

Le 15 janvier 1792, le groupe quittera le havre d’Halifax à bord de 15 navires à destination de l’Afrique.

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Arrivé en Sierra Leone, ce groupe fonde un nouvel établissement qu’ils nomment Freetown. Cette ville est maintenant la capitale de la Sierra Leone avec une population de plus d’un million de personnes.

Certains de ces Noirs arrivés de Nouvelle-Écosse étaient nés à la Sierra Leone et ont ainsi retrouvé leur famille…

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