À la découverte d’une Amérique du Nord qui n’existe pas

Amérique du Nord, Alban Berson, L’île aux démons
Alban Berson, L’île aux démons et autres mirages cartographiques de l’Amérique du Nord, 1507-1647, essai, Québec, Éditions du Septentrion, 2022, 152 p., 39,95 $.
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Publié 21/12/2022 par Paul-François Sylvestre

Des lieux qui n’existent pas ont habité l’imaginaire des cartographes et des géographes à l’ère des grandes découvertes des XVIe et XVIIe siècles. Alban Berson en recense une douzaine dans L’île aux démons et autres mirages cartographiques de l’Amérique du Nord, 1507-1647.

L’île aux Démons, la mer de Verrazano, les cités de Norumbega et de Cibola, ou encore le lac de Conibas… Autant de lieux représentés sur des cartes de l’Amérique du Nord entre 1507 et 1647, et souvent décrits dans les textes qui les accompagnent.

Or, ce sont tous des mirages observables qu’on aurait pu photographier.

Mirages cartographiques

Il ne s’agit pas d’hallucinations ni d’illusions d’optique. «Leur cause se trouve dans une propagation atypique de la lumière provoquée par des couches d’air inégales en température, en pression et en humidité.» On le qualifie de mirages cartographiques.

On serait bien en peine de pointer l’île aux Démons sur une carte actuelle du Canada. Pourtant, de 1507 jusqu’au milieu du XVIIe siècle, de nombreuses cartes représentant Terra Nova (Terre-Neuve et le Labrador) ont rapporté la présence d’une ou de plusieurs «île aux Démons».

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La carte du Vénitien Giovanni Battista Ramusio (1556) «met en exergue le caractère diabolique de l’endroit en y faisant figurer un trio de démons ailés, dotés de queues et de pattes de satyre et dont un arbore les proverbiales cornes lucifériennes».

L’océan Pacifique… vu de la Caroline du Nord

Giovanni Verrazano, envoyé en 1524 par le roi de France, longe la côte de ce qui est maintenant la Caroline du Nord. Il pense apercevoir l’océan Pacifique, mais il ne s’agit en réalité que du lagon de la baie de Pamlico, qu’il nomme mer de Verrazano.

Cette erreur conduit les cartographes d’alors à représenter l’Amérique du Nord quasiment coupée en deux parties reliées par un isthme, erreur qui n’a été corrigée que plusieurs décennies plus tard.

Cité viking en Nouvelle-Angleterre

Des dizaines de cartes imprimées de 1548 au milieu du XVIIe siècle représentent un établissement viking qui correspondrait au toponyme de Norumbega.

On évoque «une vaste et riche citée de la Nouvelle-Angleterre». Ce fantasme s’est évidemment effondré. Mais il existe encore aujourd’hui une Norumbega Tower à Weston, au Massachusetts, en bordure du chemin Norumbega.

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L’examen de cartes anciennes démontre que des aberrations se produisent dans le processus d’ordonnance du monde par la représentation. Des mirages apparaissent au sein d’une image pourtant distincte.

Alban Berson est cartothécaire

Le phénomène ne se limite pas à l’Amérique du Nord, mais concerne toute la Terre.

«Le grand lac Parimé au cœur de l’Amérique du Sud, que Walter Raleigh croit aussi vaste que la mer Caspienne. L’Australie comme extension de l’Antarctique. Ou encore l’île de Corée… La science géographique européenne est une entreprise de production de mirages.»

Alban Berson est cartothécaire à Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Il s’attache à inscrire l’histoire de la cartographie dans celle, plus large, des sciences, de la pensée et de la spiritualité.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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