Entre deux mondes: ressourcement fructueux pour la Tangente

Le Théâtre la Tangente revient à l’avant-scène avec Entre deux mondes, montage dramaturgique et adaptation scénique de la pièce Un quai entre deux mondes de l’auteur franco-ontarien Alain Doom.

La pièce est à l’affiche du Théâtre Glendon, dans le York Hall du campus situé au 2275 avenue Bayview, les vendredi 23 et samedi 24 septembre à 19h.

Le Théâtre la Tangente – le couple Louise Naubert et Claude Guilmain – a su mettre à profit la période de ressourcement que nous avons tous vécue depuis deux ans, en faisant aboutir un projet théâtral à son image: une création visuellement envoûtante, mariant de manière fluide et toujours surprenante le jeu scénique et les projections… Le tout au service d’un propos qui interpelle, qui dérange parfois, qui donne toujours à réfléchir.

Univers théâtral et poétique

L’univers que la compagnie de création torontoise nous propose, cette fois-ci, est à la fois théâtral et poétique. Bref, un «spectacle total» auquel on s’abandonne avec les sens et l’esprit.

Trois ans après avoir bouclé l’ambitieuse trilogie Americandream.ca, qui fut présentée au Centre national des arts et au Théâtre français de Toronto, le Théâtre la Tangente a voulu changer de registre et se frotter aux mots de l’auteur franco-ontarien d’origine belge Alain Doom.

Le résultat est le fruit d’une belle complicité, et surtout d’une grande confiance, entre Alain Doom, l’auteur de la pièce Un quai entre deux mondes (parue en 2018 aux Éditions Prise de parole) et Louise Naubert, celle pour qui le texte avait été écrit et qui allait en assurer le montage dramaturgique et la mise en scène.

Remaniement de répliques et de scènes

Rebaptisé Entre deux mondes, le texte s’est construit à même des moutures antécédentes auxquelles la comédienne et metteure en scène avait collaboré comme interprète. La plume demeure celle d’Alain, sans réécriture aucune, mais dans un remaniement et agencement de répliques et de scènes par la directrice artistique du Théâtre la Tangente.

«Il y a plus de cinq ans que cette idée me trotte dans la tête», raconte Louise Naubert. «Je voulais raconter l’histoire de cette femme. Parce qu’au cœur des nombreuses moutures du texte d’Alain, je retrouvais toujours l’ambivalence d’un personnage à la fois déchiré entre l’urgence de dire, donc d’être entendue, et la réticence à se dévoiler, à aller jusqu’au bout.»

«Et ça me fascinait. Quand j’ai proposé à Alain d’en faire une adaptation scénique en allant puiser dans des versions inédites, il m’a donné carte blanche… Le plus beau cadeau qu’on puisse me faire!»

Thème difficile

Fidèle à son habitude, le Théâtre la Tangente n’a pas eu peur d’explorer, entre autres, un thème difficile, celui du suicide, et de vouloir explorer les circonstances individuelles, familiales ou sociales qui peuvent pousser une personne à envisager de poser un geste irréversible.

Il en résulte un théâtre de l’intime, où l’on cherche à reconstituer et à comprendre ce qui a été, pour arriver à s’ancrer dans le présent et envisager l’avenir.

Entre deux mondes, c’est un espace intérieur, une réflexion, un avant et un après.

Comment aller à la rencontre de soi est essentiel avant de pouvoir prétendre aller à la rencontre de l’autre. «Trop longtemps enfermée dans la solitude et la peur de l’oubli, cette femme va se raconter et ainsi se dépouiller d’un lourd passé… Pour découvrir, dans la satisfaction d’avoir été entendue, la certitude d’exister.»

Deux comédiens d’ici

Après avoir souvent fait appel à des comédiens québécois et franco-ontariens hors Toronto, le Théâtre la Tangente a choisi pour cette production deux interprètes qui vivent ici.

Nabil Traboulsi est un comédien canado-libanais qui a travaillé pour de nombreuses compagnies torontoises, notamment Theater Gargantua (en nomination pour sept Prix Dora avec A Tonic for Desperate Times, à laquelle il a participé comme auteur, musicien et comédien) ainsi qu’à l’écran (un premier rôle dans Comma, une production franco-ontarienne bilingue).

Il partagera la scène avec la comédienne montréalaise Geneviève Langlois, qu’on pourra revoir dans la série télévisée Eaux Turbulentes, et qui au printemps était de la distribution de la production Le Club des Éphémères d’Alain Doom au TfT.

«Ça faisait des années que je voulais travailler avec Geneviève Langlois», explique Louise Naubert. «Quand j’ai commencé à imaginer le personnage de la femme, j’ai tout de suite pensé à elle.»

La famille d’Alain Doom a vécu au Congo belge

Quant à Alain Doom, dont la famille a vécu au Congo belge, il a choisi de baser librement ce récit sur l’enfance de sa mère dans son Afrique natale.

Après avoir assisté à un work in progress de la création à Toronto, il y a quelques mois, l’auteur réitère son bonheur d’avoir donné carte blanche à Louise Naubert pour l’adaptation scénique et à Claude Guilmain pour la scénographie. Cela confère à cette production la griffe visuelle saisissante à laquelle on reconnaît les créations de la Tangente.

«Entre deux mondes m’est arrivé comme un tourbillon d’émotions et d’images poétiques troublantes», confie Alain Doom. «Comme un geste théâtral déchirant que j’attends avec impatience de revivre et de partager.»