Pour en finir avec la maltraitance dans le sport

Du harcèlement sexuel à la négligence, les histoires de maltraitance sont nombreuses dans le sport de compétition comme chez les débutants.
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Publié 22/07/2022 par Marianne Dépelteau

Des athlètes de diverses disciplines au Canada dénoncent depuis plusieurs mois les mauvais traitements qu’ils ont subis pendant leurs périodes d’entraînement. Allant du harcèlement sexuel à la négligence en passant par les abus physiques, les histoires de maltraitance sont nombreuses tant dans le sport de compétition de haut niveau que chez les débutants.

Les athlètes, qui dénoncent le manque d’appui des organisations sportives, ont encore peu de recours pour faire face à la situation.

Gymnastique… et plusieurs autres sports

«On a énormément progressé au cours des dernières années… Mais force est de constater qu’on a encore des problèmes et il faut s’y attarder. Il faut les régler et le leadership ici s’y attelle», affirme Martin Goulet, directeur général de Water Polo Canada et coprésident du caucus des fédérations nationales de sport.

À peine cinq mois après être entrée en fonction, la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, avait déjà reçu des plaintes contre huit fédérations sportives nationales – gymnastique, athlétisme, bobsleigh et skeleton, aviron, lutte, curling, natation artistique, rugby – et contre six fédérations provinciales de gymnastique.

Jeux du Canada, relais du flambeau, flamme
Pascale St-Onge, ministre fédérale des Sports.

«Normal» dans le sport

La présidente de l’association des athlètes des équipes nationales canadiennes (Athlètes CAN), la doctorante à l’Université de Toronto Erin Willson, a participé en 2019 à une étude sur les mauvais traitements dans le sport.

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«Il y a plusieurs athlètes qui, après avoir vu les résultats de l’étude, ne savaient même pas que les types de comportements qu’ils subissaient étaient considérés comme abusifs, juste parce que c’est tellement normalisé dans le sport.»

Maltraitance sport
Prévalence de la maltraitance dans le sport, selon AthlètesCAN.

Trop sérieux, trop tôt?

La patineuse artistique Sandra Bezic a participé aux Jeux olympiques de Munich, en 1971. Elle n’avait alors que 15 ans. Souffrant de blessures et d’épuisement en plus de subir la pression de son entourage, l’athlète qui compétitionnait sur la scène internationale depuis l’âge de 12 ans a dû prendre sa retraite à 17 ans.

sport maltraitance
Sandra Bezic.

«J’ai voyagé dans le monde entier, c’était merveilleux à bien des égards et j’ai noué des amitiés profondes avec des gens de partout», raconte-t-elle.

«D’un autre côté, c’était comme un travail. C’était un emploi du temps exigeant qui peut être vraiment difficile pour un enfant. Les heures qu’il doit passer à s’entraîner pour devenir un athlète d’élite dépassent souvent ce qu’il peut vraiment gérer. Mais il finit par le faire parce que c’est normal pour lui.»

Des parents qui poussent

En plus des mauvais traitements dont peuvent être victimes les athlètes, la liste des problèmes dans le sport de haut niveau est longue.

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«Il y a toujours des enfants qui sont poussés fortement, que ce soit à l’école, dans les arts ou dans les sports, normalement pour accomplir le but des parents», ajoute Sandra Bezic. «L’idée est de protéger ton enfant contre la maltraitance.»

Selon elle, «le plus important pour les parents est de s’informer et de faire de l’introspection sur leurs propres motivations, à savoir pourquoi ils inscrivent leurs enfants dans des activités spécifiques.»

Abus émotionnels et manipulation

Erin Willson, qui a fait partie de l’équipe canadienne de nage synchronisée des Jeux olympiques de Londres en 2012, témoigne de ce qu’elle a vécu.

nage synchronisée
Erin Willson.

«Il y avait beaucoup d’abus émotionnels comme nous crier après et tenter de nous contrôler. Il y avait beaucoup de manipulation, beaucoup de critiques par rapport à nos corps. Notre poids était surveillé. Il n’y avait aucun aspect de notre corps qui ne faisait pas l’objet de critiques.»

Elle souligne que «dans le monde entier, il y a tellement d’histoires d’enfants et de jeunes qui vivent cela, quel que soit leur niveau. Il doit y avoir un changement de culture, pas seulement au niveau national.»

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Dépasser les limites des athlètes

Selon Jérémie Chase, physiologiste et préparateur physique pour le Centre canadien du sport du Manitoba, certains entraîneurs «poussent les limites peu à peu à chaque fois juste pour voir si l’athlète va répondre de façon négative.»

physiologiste
Jérémie Chase.

«Alors il y a une forte tendance que ces limites soient poussées au point d’être normalisées… Bien qu’au final, c’est vraiment dans la zone d’abus.»

Le ministère des Sports impose des normes

La ministre Pascale St-Onge a annoncé qu’à compter d’avril 2023, Sport Canada apportera des changements aux accords de contribution conclus avec les organisations sportives financées par le gouvernement fédéral afin de les assujettir à des normes de gouvernance, d’imputabilité et de sécurité.

Pour l’instant, les organisations sportives non financées par le gouvernement fédéral, comme plusieurs programmes de sport-études, écoles et clubs sportifs, ne sont pas visées par ces mesures.

Des sports comme la danse ou la crosse, sport national d’été du Canada, ne sont pas visés par ces mesures.

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Une commissaire à l’intégrité dans le sport

Depuis le 20 juin 2022, le Bureau de la commissaire à l’intégrité dans le sport recueille les plaintes d’incidents de maltraitance dans le sport, a l’autorité d’ouvrir des enquêtes indépendantes et peut recommander des sanctions contre les coupables.

sport maltraitance
Sarah-Ève Pelletier.

La commissaire, Sarah-Ève Pelletier, est une ancienne athlète de l’équipe nationale de natation artistique.

Selon Jérémie Chase, il faudrait que «les athlètes aient confiance qu’il y aura une résolution et que leurs droits sont protégés. Un athlète a beaucoup à perdre si l’entraîneur ou la personne qui l’abuse découvre qu’il a porté plainte et que la plainte n’est pas traitée. L’athlète est alors encore plus vulnérable».

Des entraîneurs répètent ce qu’ils ont vécu 

Selon Erin Willson, les entraîneurs répètent ce qu’ils ont vécu eux-mêmes en tant qu’athlètes.

Par ailleurs, l’accréditation des entraîneurs n’est pas soumise à des règles claires. Surtout dans le sport où le financement est moins important et où il y a beaucoup d’entraîneurs bénévoles.

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«Un enseignant perdrait son emploi en un battement de cœur s’il faisait quelque chose de semblable à certains entraîneurs», soutient Erin Willson. «Pourtant, c’est le même enfant qui voit l’enseignante de mathématiques et l’entraîneur.»

La ministre des Sports, quant à elle, assure que «Sport Canada va travailler avec toutes les organisations pour avoir les meilleures formations disponibles et pour donner les outils pour que tout le monde se sente confortable et pour qu’il y ait une vision claire des comportements normaux.»

La culture du silence règne toujours

Comme les entraîneurs sont responsables de la formation des équipes, de la tenue des matchs, de la position des joueurs, entre autres, ils se trouvent dans une position de pouvoir devant les athlètes, selon Erin Willson.

«Les athlètes sont essentiellement prêts à tout faire pour atteindre leur but. Mais il y a un tel déséquilibre de pouvoir que, s’ils s’expriment contre leur entraîneur, il y a une peur de représailles.»

Jérémie Chase espère que les experts médicaux auront une place à la table des discussions à l’avenir. «Je ne crois pas qu’au niveau de Sport Canada, on soit inclus au point qu’on devrait l’être.»

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Il observe que le monde du sport protège encore trop les entraîneurs abusifs.

«Si personne ne rapporte, il y a très peu de chances que ça va être investigué. Il y a certains organismes qui pourraient même protéger leurs entraîneurs. S’il y en a juste un bon au pays qui peut entraîner l’équipe nationale, l’organisme risque de perdre beaucoup en trouvant leur entraîneur coupable.»

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