Réduire la taille des classes, un gage de réussite? Ça dépend…

Faut-il diminuer le nombre d’élèves par classe pour favoriser la réussite scolaire? La question est simple, la réponse l’est beaucoup moins. 
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Publié 25/08/2021 par Catherine Crépeau

Faut-il diminuer le nombre d’élèves par classe pour favoriser la réussite scolaire? Si la question est simple, la réponse l’est beaucoup moins.

– Beaucoup d’études mesurent des effets différents.

– Distinguer l’impact de la taille de la classe de l’impact des autres facteurs socioéconomiques est compliqué.

– ​​​Un impact tangible semble se dégager au début du primaire et chez les groupes défavorisés.

Nombre d’élèves par classe: des effets difficiles à mesurer

Des centaines de rapports et d’études ont tenté de mesurer l’impact de la taille des classes sur les performances scolaires… Avec des résultats très variables.

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C’est qu’il ne suffit pas de comparer les notes des élèves scolarisés dans les petites et les grandes classes. Il faut tenir compte des nombreux autres critères qui influencent l’apprentissage, notamment:

  • le contexte de l’école (quartier plus ou moins aisé, diversité culturelle, milieu urbain ou rural, etc.) ;
  • l’âge des élèves et le niveau scolaire ;
  • la présence d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage, et dans quelles proportions ;
  • le type de pédagogie adopté ;
  • la formation des enseignants, leur expérience et leur compétence.

De plus, les études n’identifient pas toujours clairement ce qui est mesuré: apprentissages scolaires, réussite scolaire, résultats des élèves… Cela complique leur analyse.

Tout au plus retrouve-t-on comme mesures, la plupart du temps, la réussite des élèves aux examens prévus aux différentes étapes de leur scolarité. Ou à des tests standardisés comme le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA).

Des impacts plus nets au début du primaire

La diminution du nombre d’élèves par classe aurait des effets nettement plus importants au primaire qu’au secondaire, selon cette étude française publiée en 2006 par Thomas Piketty et Mathieu Valdenaire.

Des conclusions également documentées dans des pays du Commonwealth, de l’Union européenneaux États-Unis et au Canada. Elles vont dans le sens d’un impact favorable de la réduction de la taille des groupes, pour la réussite scolaire dans les trois premières années de scolarisation.

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La réduction de moitié de la taille des classes (de 24 à 12 élèves) à l’école élémentaire conduirait à une amélioration des performances scolaires se situant entre 20% et 30% en fin d’année, selon une recension de neuf études, publiée en France en 2017 par l’Institut des politiques publiques.

De la même façon, aux États-Unis, l’influence d’une expérience randomisée appelée «STAR» (Student/Teacher Achievement Ratio experiment) menée à large échelle, fait référence.

Plus de 11 000 élèves ont été affectés aléatoirement à des classes de petite taille (environ 15 élèves) ou de grande taille (environ 23 élèves) et ont été suivis pendant cinq ans, de 1985 à 1990. L’expérience a conclu que les petites classes produisaient une amélioration substantielle de l’apprentissage précoce, de la maternelle à la 3e année.

Des impacts plus nets pour les groupes défavorisés

Les recherches montrent par ailleurs que la réduction de la taille des classes aurait des effets positifs plus importants chez les enfants de groupes vulnérables, de milieux socioéconomiques défavorisés, les enfants noirs aux États-Unis ou ceux issus de familles monoparentales.

En France, l’étude de Thomas Piketty et Mathieu Valdenaire obtient des effets deux fois plus élevés en considérant les enfants d’origine sociale défavorisée. Alors qu’aux États-Unis, une étude publiée en 1999 et utilisant des données de l’enquête STAR, trouve des impacts plus élevés pour les élèves plus pauvres et pour les élèves noirs.

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En 2013, des chercheurs norvégiens ont identifié des effets deux fois plus forts pour les enfants issus de familles monoparentales, après avoir suivi des élèves scolarisés pendant 4 ans dans des classes de taille réduite.

Au Québec, le rapport du comité Champoux-Lesage sur la gouvernance des commissions scolaires, publié en 2014, concluait aussi que les effets de la réduction du nombre d’élèves par groupe étaient plus significatifs dans les milieux défavorisés, pour les élèves du début du primaire, si le nombre d’élèves par classe était inférieur à 20.

Quels effets sur quelle réussite?

Reste que les impacts sur «la réussite» sont difficiles à mesurer en raison notamment des grandes disparités dans les définitions de «réussite scolaire».

Une enquête québécoise, doublée d’une revue de littérature, menée en 2011, souligne que la diminution du nombre d’élèves par classe a entre autres des impacts positifs sur la socialisation des élèves, leurs comportements et le climat de classe, mais que les retombées sur leurs performances scolaires restent méconnues en raison du manque de données fiables.

Et ce, même si plusieurs rapports, dont ceux déjà cités, tendaient à favoriser l’idée qu’au primaire, un plus petit groupe permettait de reconnaître plus tôt les difficultés d’apprentissage.

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Une méta-analyse de 10 études publiée en 2018 par la Campbell Collaboration, un réseau de recherche international à but non lucratif qui publie des revues systématiques en sciences sociales, concluait pour sa part que la réduction de la taille des classes avait, dans l’ensemble, des effets limités sur la réussite: proches de zéro, ou légèrement positifs.

Ces effets ne se feraient réellement sentir qu’en dessous d’un seuil très bas, de 15 élèves, voire 10 élèves par classe. Les auteurs n’ont cependant retenu que les études mesurant les effets sur le langage et les mathématiques, après une seule année au sein d’une classe réduite.

En 2006, une étude effectuée en France révélait que la taille des classes de première année avait un faible impact sur les compétences en lecture et en orthographe des élèves.

Les classes plus petites (10 à 12 élèves versus 20 à 25 élèves) avaient cependant permis d’améliorer les performances des enfants de langue maternelle française et ceux des tranches socioéconomiques intermédiaires et moyennes.

Des effets à long terme de la réduction de la taille des classes

Ces effets positifs subsistent-ils à long terme? Plusieurs études suggèrent que les enfants qui fréquentent de petites classes au début de leur scolarité continuent d’en bénéficier à l’âge adulte.

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En s’appuyant sur des données de suivi du programme STAR, une étude publiée en 2011 conclut que le fait d’avoir été scolarisé dans une petite classe pourrait avoir un impact positif sur la probabilité d’entrer à l’université.

Selon une autre étude publiée la même année, la probabilité d’obtenir un diplôme d’études collégiales augmenterait de 1,6% et celle de fréquenter l’université de 2,7%, avec des effets deux fois plus importants chez les étudiants noirs.

Dans un contexte différent, cette étude réalisée en Suède conclut que de diminuer le nombre d’élèves par classe dans les trois dernières années du primaire (de 10 à 13 ans) augmenterait la probabilité d’accéder à l’enseignement supérieur et se traduirait par une hausse de 1,2% du revenu.

Et plus tardivement dans la scolarité, les effets à long terme de la taille des classes sont plus incertains. Une étude danoise publiée en 2007 conclut que les petites classes au collège auraient un effet positif sur la durée des études. Mais deux analyses des données norvégiennes publiées en 2017 ne détectent pas d’effets significatifs de la taille des classes au collège sur le niveau d’études ou sur les revenus.

Verdict

Les impacts positifs de la taille des classes sont difficiles à démontrer à cause du grand nombre de variables confondantes ou de la difficulté à définir les critères de succès.

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En revanche, les recherches, un peu partout dans le monde, semblent démontrer que les avantages seraient plus marqués au premier cycle du primaire et auprès de populations défavorisées.

Elles suggèrent également que la taille des classes devrait se limiter à 15 ou 20 élèves pour que l’impact sur la réussite scolaire soit significatif.

Auteur

  • Catherine Crépeau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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