Créé il y a 60 ans, le NPD sort rarement de l’ombre du Parti libéral
Tommy Douglas improvisant un discours lors de la 15e convention nationale de la Co-operative Commonwealth Federation, à Montréal en juillet 1958. C’est alors que le Nouveau Parti démocratique a commencé à prendre forme, pour se concrétiser en aout 1961. Photo Bibliothèque et Archives Canada/PA-172696
Depuis sa fondation en 1961, le Nouveau Parti démocratique du Canada (NPD) a su maintenir ses appuis électoraux en faisant élire en moyenne de 15 à 20 députés par élection.
Sous le Torontois Jack Layton, le parti est revenu en force après des années creuses en remportant 103 sièges en 2011.
La formation sociale-démocrate s’est taillé une place et joue un rôle déterminant sur la Colline du Parlement en détenant parfois la balance du pouvoir. Mais quels espoirs peut nourrir le parti après 60 ans d’existence?
Survivre à Jack Layton
Le NPD peut-il survivre à Jack Layton? Depuis le décès de Jack Layton, le 22 août 2011, la question a été posée mille fois.
Dans la majorité des élections fédérales, le Nouveau Parti démocratique obtient un peu plus de 15% des suffrages depuis sa création «hormis la grande surprise qui était survenue avec Jack Layton», rappelle Frédéric Boily, professeur de sciences politiques au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta.
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Ces élections sont les seules où le NPD «perce le mur du Québec», pour reprendre l’expression du politologue.
Après la disparition du «bon Jack», souriant et optimiste, la députation néo-démocrate connaît d’importants reculs, passant de 103, à 44 et à 24 élus. Recul fortement senti au Québec.
Tout est dans le chef?
La question se pose: est-ce Jack Layton qui a été une anomalie dans la ligne du temps néo-démocrate?
«Lorsque les Néo-Démocrates ont connu leurs meilleurs résultats, le chef a une figure importante», plaide Frédéric Boily.
Par exemple, David Lewis remporte 30 sièges en 1973. Sous Ed Broadbent, en 1988, 40 députés néo-démocrates accèdent aux Communes. En 2011, la quatrième campagne du chef Jack Layton mène à la «vague orange»: 103 députés sont élus, dont 59 au Québec (qui compte 75 sièges fédéraux).
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La naissance du Nouveau Parti démocratique
Le Nouveau Parti démocratique naît de la Co-operative Commonwealth Federation (CCF), un parti socialiste fédéral.
Son premier chef est le père du premier régime d’assurance-maladie provincial, Tommy Douglas, premier ministre de la Saskatchewan de 1944 à 1961.
De la campagne à la ville
L’avenir sourit toutefois au chef actuel, Jagmeet Singh, élu en 2017 au premier tour avec une écrasante majorité. Sa popularité dépasse celle de son parti, comme c’était le cas pour Jack Layton (sauf au Québec), rappelle Larry Savage, chef du Département des études du travail de l’Université Brock.
«Singh pourrait bien faire dans les villes, avec un discours plus à gauche», renchérit le politologue Boily.
Son affirmation évoque le déplacement des ancrages du NPD au cours de ses 60 années d’existence. Le parti s’est fait de plus en plus urbain, en particulier sous Jack Layton, et encore plus sous Jagmeet Singh.
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Le NPD est à l’origine rural, fort dans les campagnes saskatchewanaises et albertaines, associé au mouvement syndical… À tort, selon Larry Savage dans un article paru en juin dans The Conversation.
Larry Savage note une autre transformation du parti. À sa fondation, le 3 août 1961, le NPD aspirait à jouer un rôle de modérateur entre les deux principaux partis, libéral et conservateur, à l’instar du Parti travailliste de l’Angleterre.
Aujourd’hui, il influence plus qu’il ne modère. «En politique canadienne, on a souvent dit que les Néo-Démocrates proposaient des idées que le Parti libéral volait lors des élections», illustre Frédéric Boily.
Le NPD, le parti de l’État-providence
C’est un peu là où le bât blesse. Le programme du Parti libéral se faisant plus à gauche, le positionnement du NPD ne se distingue pas fortement.
Ce problème ne semble pas se transposer aux provinces et au Yukon, où plus ou moins la moitié des partis néo-démocrates provinciaux ont déjà formé le gouvernement.
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L’État-providence, c’est plus l’affaire des provinces, gestionnaires d’importants programmes de sécurité sociale, émet le professeur Savage.
Le NPD bien ancré dans les provinces
Au Yukon, le NPD a été au pouvoir de 1985 à 1992 et de 1996 à 2000.
En Colombie-Britannique, le gouvernement en place est néo-démocrate et les Néo-Démocrates ont formé le gouvernement de 1981 à 2001.
Rachel Notley, en Alberta, se retrouve dans l’opposition après avoir été première ministre de 2015 à 2019.
En Saskatchewan, le parti est bien établi, quoiqu’il a perdu des appuis avec la montée du Parti Saskatchewanais.
Au Manitoba, le gouvernement a été orange pendant plus de 30 ans.
L’Ontario compte 40 élus néo-démocrates et sous Bob Rae, le NPD a été au pouvoir de 1990 à 1995.
L’Atlantique a assisté à la montée de ces partis dans les années 1990. En Nouvelle-Écosse, 30 élus sont présentement d’allégeance néo-démocrate et le parti est présent à la législature de Terre-Neuve-et-Labrador depuis 1990. Le NPD présent au Nouveau-Brunswick, ne compte pas d’élus provinciaux.
Au Québec, le Parti de la démocratie socialiste, appelé NPD-Québec de 1963 à 1995, s’est joint à Québec solidaire en 2006. En 2014, un nouveau parti est fondé portant le nom de Nouveau Parti démocratique du Québec.
L’avenir
N’empêche, le NPD joue un rôle important au fédéral, aux yeux de Larry Savage. Ce qui compte, c’est plus le statut du gouvernement que le nombre de votes ou de sièges remportés. Malgré un pourcentage du vote relativement stable, le NPD obtient parfois 13 sièges, parfois 40.
Le NPD a été influent dans les gouvernements minoritaires de Pierre Elliott Trudeau dans les années 1970, de Paul Martin en 2004 et de Justin Trudeau en 2015. «Ça leur permet de contrôler les Libéraux», dit Larry Savage.
L’avenir du NPD pourrait être intéressant s’il faisait des gains dans les grandes villes, estime Frédéric Boily. «Les néo-démocrates, sous Jagmeet Singh, font bien. Pas assez pour prendre le pouvoir, mais assez pour peut-être devenir un contrepoids dans un gouvernement minoritaire.»
Le grand défi néo-démocrate, pour le professeur Boily, c’est de dépasser le plafond des 20% du suffrage. Pour le professeur Savage, c’est de créer des assises fortes au Québec. Mais «c’est un parti qui sert de point d’ancrage pour les autres partis fédéraux».
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Larry Savage tempère. «J’ai assez d’expérience pour savoir qu’il est foufou de faire des prédictions. Mais tout est possible; Layton l’a démontré.»
À titre de journaliste et de rédactrice, Andréanne Joly couvre les communautés francophones de l'Ontario et du Canada depuis 25 ans. Elle collabore notamment avec Francopresse, Le Voyageur de Sudbury et L'Express de Toronto. Elle travaille principalement à des dossiers liés à l'histoire, à la culture et au tourisme.
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