Des travailleurs étrangers impatients de retrouver les champs

Travailleurs agricoles étrangers
Maynor Garcia et Éric Patenaude à la ferme Gillette à Embrun.
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Publié 16/05/2021 par Gaëlle Kanyeba

La gestion des conditions d’accueil des travailleurs étrangers temporaires en temps de pandémie a des conséquences importantes pour les agriculteurs. En Ontario, des producteurs laitiers et maraîchers remettent en question la rigueur de certaines mesures sanitaires imposées par le fédéral ainsi que les coûts qui y sont associés.

Les travailleurs, quant à eux, ne demandent qu’à retourner au champ rapidement.

Confinement de 14 jours

Une fois arrivés au pays, les travailleurs agricoles étrangers doivent d’abord respecter une période de confinement obligatoire de 14 jours avant d’accéder aux champs.

Travailleurs agricoles étrangers
José Raúl Cortes Prado

Ce temps de chômage involontaire peut peser sur le moral, déplore José Raúl Cortes Prado, un travailleur agricole mexicain en quarantaine à la ferme Leisure Farms, à Sturgeon Falls, dans le Nord de l’Ontario.

«La quarantaine est longue, j’aimerais pouvoir travailler, car c’est plus intéressant et le temps passe plus vite. J’aime le fait que chaque travailleur fasse le test de COVID avant d’embarquer dans l’avion. Une fois arrivé, je crois que le reste [les tests et la quarantaine] n’est pas nécessaire», lance-t-il.

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Les travailleurs étrangers ont voyagé ensemble

Le propriétaire de la ferme Leisure Farms, Mitch Deschatelets, emploie 19 travailleurs agricoles mexicains. Il s’interroge lui aussi sur la nécessité des mesures sanitaires. «Une question que nous nous posons avec les autres agriculteurs, c’est que si [les travailleurs étrangers] ont voyagé ensemble et passé tous les tests ensemble, une fois arrivés sur la ferme, pourquoi ils ne peuvent pas travailler à l’extérieur?»

«En agriculture, on n’a pas de problèmes à les faire travailler en respectant la distanciation.  Ils ont quitté leurs maisons et leurs familles, alors c’est long de rester enfermé pendant 14 jours.  Ce n’est pas bien pour eux et ce n’est pas bien pour nous», ajoute Mitch Deschatelets.

Des coûts élevés refilés aux employeurs

Les règles du fédéral obligent les travailleurs étrangers temporaires à respecter la période de quarantaine de deux semaines.

C’est toutefois l’employeur qui doit prendre en charge les coûts de logement et d’épicerie de son employé, en plus de lui verser une rémunération obligatoire 30 heures par semaine. Des coûts jugés exorbitants par le producteur laitier Éric Patenaude, qui emploie six ouvriers guatémaltèques à la ferme Gilette, à Embrun, dans l’Est ontarien.

«La chambre me coûte 2000 $ par personne. […] On aurait aimé avoir plus d’options pour nous organiser. Mais on n’a pas eu beaucoup de support financier», déplore-t-il.

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Le Programme d’aide pour l’isolement obligatoire des travailleurs étrangers temporaires prévoit d’offrir aux employeurs une aide de 1500 $ par travailleur jusqu’au 15 juin 2021 afin de leur permettre de réduire les coûts.

Mitch Deschatelets juge cette somme insuffisante. «Moi, quand je fais mes calculs, ça me revient plus cher [que 1500 $]», insiste-t-il.

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Mitch Deschatelets est producteur maraicher et propriétaire de Leisure Farms à Sturgeon Falls.

Compliqué d’embaucher les travailleurs étrangers

Le processus d’embauche d’un travailleur étranger temporaire se fait en plusieurs étapes.

L’employeur doit d’abord soumettre une offre d’emploi, après quoi le travailleur doit faire une demande de permis de travail et se faire tester pour la CoViD-19.

Avant d’arriver au Canada, le travailleur doit recevoir un test négatif dans les 72 heures avant de monter dans l’avion.

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Une fois sur le territoire canadien, il doit passer un deuxième test de dépistage, puis un troisième test au 10e jour de la quarantaine obligatoire, avant de pouvoir commencer à travailler après le 14e jour en isolement.

Le travailleur agricole quitte sa famille

Une longue procédure stressante, clame José Alfonso Alvarado Hernández, travailleur agricole mexicain à la ferme Leisure Farms.

Travailleurs agricoles étrangers
José Alfonso Alvarado Hernández

«Mon plus gros problème quand je pense venir au Canada, c’est de laisser ma famille […] De plus, je n’aime pas beaucoup l’idée de remplir tous ces papiers qui sont requis pour faire partie du programme, car il y en a beaucoup et c’est stressant», confie-t-il.

Bien qu’il affirme comprendre la nécessité de tous les tests obligatoires et saluer les efforts des gouvernements, il souhaiterait tout de même que ces derniers fassent preuve de plus de souplesse.

Les travailleurs mexicains José Alfonso Alvarado Hernández et José Raúl Cortes Prado se disent contents d’être au Canada pour exercer leur métier.

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Toutefois, José Raúl Cortes Prado espère que dans un avenir rapproché, le gouvernement fédéral permettra aux travailleurs étrangers temporaires de venir au Canada avec leurs familles afin de leur permettre de surmonter plus facilement cette période de pandémie.

En 2020, des travailleurs en vacances n’ont pas pu revenir

Éric Patenaude raconte que ses employés ont un contrat de travail d’un an avec une possibilité de vacances annuelles d’un mois. Sauf qu’en 2020 au moment de la première vague, les travailleurs partis rejoindre leurs familles au Guatemala se sont retrouvés dans l’impossibilité de revenir au Canada.

«Certains étaient partis et les vols ont été annulés. On ne pouvait plus les ramener travailler. Ça nous a terriblement affectés […] À cause de ça, ils sont partis en vacances deux mois ou deux mois et demi à la place. Ça nous a coûté très cher, car on ne s’y attendait pas», raconte Éric Patenaude. En raison des risques de ne pas pouvoir revenir au Canada, certains de ses employés ont choisi de sacrifier leurs vacances.

Des travailleurs temporaires craignent de prendre des vacances

«D’autres Guatémaltèques ne veulent plus profiter de leurs vacances par peur de ne plus revenir. Ils préfèrent honorer leurs contrats et gagner de l’argent», explique-t-il.

À la ferme familiale Troistrèfles à Embrun, Pierre Pasquier, producteur laitier et associé, embauche habituellement des stagiaires français pour une durée de six à huit mois. Cette année, il a dû revoir sa stratégie et embaucher un étudiant montréalais pour une durée de deux à trois mois.

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«Avoir des Français ici, ça nous permettait d’avoir une saison plus complète, car ils viennent en avril et repartent en septembre ou octobre […] La covid ne nous a pas permis de le faire cette année.»

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La ferme Troistrèfles à Embrun vue des airs. Photo: Pierre Pasquier)

Engouement pour la consommation locale

En dépit des pertes d’argent et des défis logistiques, Éric Patenaude constate que ses ventes explosent depuis le début de la pandémie. Il s’estime très chanceux. «Au début, c’était dur, car on a dû jeter du lait. Mais une fois que la situation a été réglée, ç’a été positif.»

Pierre Pasquier abonde dans le même sens. «La covid a été positive pour l’agriculture. Les gens ont réalisé que c’est bien de manger local et à la maison. La consommation de lait local a remonté.»

Mitch Deschatlets constate le même engouement dans le Nord de l’Ontario et espère le voir continuer même après la pandémie.

«Pour sortir le positif de tout ça, la consommation locale et les vieilles traditions ressortent et ajoutent de la valeur à nos produits. Quand je rencontre les gens, ils me remercient d’être là. Et c’est très encourageant. C’est dans ça que je trouve la force de continuer.»

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60% des travailleurs étrangers

Chaque année entre 50 000 et 60 000 travailleurs étrangers temporaires viennent travailler dans les secteurs de l’agriculture, de l’alimentation et de la transformation du poisson au Canada, ce qui représente plus de 60% de tous les travailleurs étrangers entrant au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).

La plupart des travailleurs étrangers dans le domaine agricole travaillent dans des fermes en Ontario (40 %), au Québec (32 %), en Colombie-Britannique (18 %) et Nouvelle-Écosse (2,6 %).

Auteur

  • Gaëlle Kanyeba

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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