Un monument du théâtre franco-ontarien toujours actuel

Quoi si, moé ‘ssi j’viens du Nord ‘stie

théâtre Quoi si, moé ‘ssi j’viens du Nord ‘stie
L’image promotionnelle de Quoi si, moé ‘ssi j’viens du Nord ‘stie utilise une des photos de la pièce fondatrice Moé j’viens du Nord ‘stie. Photo: TNO
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Publié 20/04/2021 par Philippe Mathieu

Quoi si, moé ‘ssi j’viens du Nord ‘stie, hommage à un monument du théâtre franco-ontarien, a traversé plusieurs obstacles. Les artistes voulaient s’inspirer du passé pour regarder le présent. Le présent les a cependant rattrapés et a chamboulé plusieurs idées et plans de départ.

Malgré tout, la pièce qui célèbre les 50 ans du Théâtre du Nouvel-Ontario (TNO) et sa pièce fondatrice, Moé, j’viens du Nord, ‘stie, préparée en collaboration avec le programme de théâtre de l’Université Laurentienne, sera présentée de manière virtuelle le 23 avril.

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L’étudiant Micheal Lemire accompagné à la guitare par le concepteur sonore du spectacle, Éric Lapalme. Photo: Mathieu Séguin

Le 50e du Théâtre du Nouvel-Ontario

Pour le groupe de production d’environ 30 personnes, Quoi si est plus qu’une pièce du théâtre franco-ontarien. «C’était un incontournable. Ce n’est pas seulement l’anniversaire de Moé, j’viens du Nord ‘stie, mais c’est également le 50e du TNO», explique la cheffe de création, Hélène Dallaire.

Le projet est en préparation depuis plus d’une année. «C’était pré-covid quand on m’a approché. C’était de toute évidence qu’on participe», raconte la chargée de cours en théâtre à l’Université Laurentienne et responsable de la mise en scène, Miriam Cusson.

«L’importance de ce projet, non seulement pour le TNO, mais pour ce qui est la culture et les arts francophones à Sudbury, à la Laurentienne, c’était essentiel de faire ce projet-là. C’était aussi un excellent écho, ou une proposition face à la pièce qui a été présentée il y a déjà 50 ans. Pour que ça rassemble les jeunes d’aujourd’hui, ça nous parlait beaucoup, on veut leur donner une place pour s’exprimer.»

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Micheal Lemire accompagné à la guitare par le concepteur sonore du spectacle, Éric Lapalme. Photo: Mathieu Séguin

S’inspirer de l’original 

À l’automne 1970, un groupe d’amis passionnés de théâtre quitte Sudbury en direction de Toronto pour voir la comédie musicale Hair et le film 2001, A Space Odyssey. Ils reviennent inspirés et, quelques mois plus tard, la Troupe universitaire de la Laurentienne lance la pièce fondatrice du TNO, Moé, j’viens du Nord, ‘stie le 1er février 1971.

artiste
Gaston Tremblay

L’un des créateurs de la pièce, Gaston Tremblay, décrit le personnage principal, Roger, comme un élève de 13e année un peu cabotin qui se demande s’il doit travailler dans les mines ou poursuivre des études universitaires, comme il le souhaite.

On dira plus tard que le spectacle a galvanisé la jeunesse francophone du Nord. Ce théâtre franco-ontarien a provoqué des remous chez les autorités religieuses et scolaires.

Le théâtre franco-ontarien comme une Révolution tranquille

«À l’époque, les jeunes avaient envie de faire du théâtre auquel ils pouvaient s’identifier. Alors on voulait que les étudiants puissent plonger pour nous dire comment ils voient le monde d’aujourd’hui, en tant qu’artiste de Sudbury francophone», explique la directrice artistique du Théâtre du Nouvel-Ontario, Marie-Pierre Proulx.

Les étudiants abordent plusieurs thèmes dans la pièce. «Dans ma scène, je call-out ce qui est beau et mauvais de Sudbury et je parle de la Laurentienne. J’ai exploré ce phénomène-là, que Sudbury est un terrain de jeu, mais qu’il n’y a pas beaucoup de personnes qui y jouent», explique un étudiant de la 4e année du programme de théâtre à l’Université Laurentienne, Micheal Lemire.

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«J’ai voulu explorer le thème entre deux générations, genre quelle génération l’a eu plus tough. Certains ainés diront que les jeunes d’aujourd’hui l’ont plus facile, par exemple», précise un autre étudiant du programme de théâtre de l’Université Laurentienne, Maël Bisson.

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L’étudiante Lauryn Carney (en vert) accompagnée par la diplômée du programme de théâtre, Gabrielle Noël de Tilly. Photo: Mathieu Séguin

Les défis surmontés

En raison de la pandémie, les comédiens ont dû s’adapter rapidement au tournage vidéo, les dépouillant du sentiment d’être «live». «Tout ce qui est théâtre, ç’a été difficile de l’adapter devant la caméra. Mais, je pense qu’on a vraiment bien fait pour tirer avantage de la situation», souligne Micheal Lemire.

Les effets de la crise de la Laurentienne sont également entrés en jeu pour le théâtre franco-ontarien. «En pleine création, les jeunes se posent de grandes questions. Ils ont beaucoup de stress par rapport aux annonces, ils ne savent pas ce qui s’en vient. Ça fait écho dans la vie des jeunes et ça se retrouve dans la production», explique Miriam Cusson.

L’abolition du programme de théâtre, parmi les compressions de l’Université Laurentienne, a été confirmée le 12 avril.

«C’est sûr que [l’incertitude à la Laurentienne] a influencé le projet quand on était dans le stade de la création. Les étudiants ne [savaient] pas ce qu’il [allait] arriver avec leur programme. Les artistes du TNO étaient également sensibles à ce qui se passait. Il y a eu des réflexions critiques à ce qui se passe. C’est omniprésent, sans qu’on parle directement de ça. C’est là en arrière-plan», observe Marie-Pierre Proulx.

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«Ça se peut que ce soit le dernier spectacle du programme de théâtre. On ne le sait pas s’il va continuer à exister dans un mois ou dans un an. Il y avait une charge émotive c’est sûr», ajoute-t-elle.

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L’étudiante Lauryn Carney (en vert) accompagnée par la diplômée du programme de théâtre, Gabrielle Noël de Tilly. Photo: Mathieu Séguin

Plusieurs réécritures

Une des plus grandes adaptations de la production de théâtre franco-ontarien était de l’écrire pour des scènes individuelles, chose difficile quand il y a déjà une pièce d’écrite.

«On a écrit des scènes de cinq et six personnes et il fallait couper ça à cause de la pandémie. Je ne suis pas déçu, mais c’est certain que ça aurait été un tout différent résultat si c’était théâtral et en personne. Il y avait eu beaucoup de modifications», rapporte Micheal Lemire.

«Il fallait qu’on change notre chapeau de bord. Le résultat final va être extraordinaire juste par le fait que nous avons réussi à le faire. Ce n’est certainement pas le projet qu’on avait au début. Ce n’est certainement pas le projet que les jeunes envisageaient, il y avait toutes sortes de choses de prévues. Je serai assez fier de le voir, c’était presque impossible de le faire», souligne Hélène Dallaire.

Université Laurentienne
L’Université Laurentienne, en grande difficulté financière, a sabré dans une centaine de programmes. Photo: courtoisie Marie-Pierre Héroux, étudiante

Un partenariat extraordinaire

Le TNO et le programme de théâtre de l’Université Laurentienne ont dû travailler ensemble pour réaliser la production. Les étudiants de la Laurentienne ont bénéficié de l’expertise des artistes du TNO.

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«Ensemble, on a déterminé qui sera l’équipe idéale pour conseiller les jeunes. Nous, on est un très petit programme de théâtre franco-ontarien. Avec l’expertise du TNO, c’était très important qu’ils prennent la relève pour la production», note Miriam Cusson.

«C’est vraiment une collaboration qui s’est transformée durant la pandémie, c’est sûr. On voulait aussi donner la chance aux étudiants de travailler avec des artistes professionnels, de travailler sur une production avec un peu plus d’envergure», complète Marie-Pierre Proulx.

Moé j'viens du nord
Des archives du journal sudburois Le Voyageur : la publicité annonçant la pièce de la Troupe universitaire de la Laurentienne dans l’édition du 18 janvier 1971.

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