Le temps n’a pas de consistance

Jocelyne Saucier, À train perdu
Jocelyne Saucier, À train perdu, roman, Montréal, XYZ éditeur, collection Romanichels, 2020, 258 pages, 22,95 $.
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Publié 08/11/2020 par Paul-François Sylvestre

Un hameau ontarien, le train Northlander, une femme qui monte à bord et qui disparaît, la quête d’un activiste des chemins de fer, voilà brièvement les faits saillants du roman mi-psychologique mi-polar intitulé À train perdu, de Jocelyne Saucier.

Le nom de cette autrice vous est sans doute familier puisqu’elle a signé Il pleuvait des oiseaux (2011) qui lui a valu de nombreux prix et qui a été traduit en une quinzaine de langues, en plus d’avoir fait l’objet d’une adaptation au cinéma par Louise Archambault.

Swastika, Ontario

La protagoniste d’À train perdu est Gladys Comeau, 55 ans, née à bord d’un train à Swastika (entre North Bay et Cochrane).

On la suit du 22 septembre au 3 octobre 2012, sur le battement des rails. En passant, Swastika existe bel et bien; le bourg a pris le nom de la Swastika Gold Mines et l’a conservé après qu’Hitler se soit emparé de ce symbole aux origines néolithiques.

Enquête sur la disparition

Le narrateur et activiste des chemins de fer est un prof d’anglais à Senneterre, qui s’est mis en tête d’élucider la disparition de Gladys. Son enquête précise au départ que Gladys est «une femme résolument optimiste, déterminée à être heureuse et qui n’a pas fléchi là où beaucoup se seraient effondrés».

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Son récit est assez rocambolesque parce que Gladys brouille les pistes derrière elle.

Pour certains chefs de train, la fugitive est une femme sans regard, figée dans une épaisse opacité, comme si elle n’appartenait pas à ce monde.

«La Gladys déterminée et volontaire, convaincue de son droit chemin, et personne, absolument personne, n’aurait pu l’en détourner.» Cette femme combat sur le seul terrain qu’elle connaît: le bonheur. «Les petits et les grands, surtout les petits. Le bonheur, c’était sa médication.»

Les trains du Nord

Jocelyne Saucier démontre comment le rail était la ligne de vie des hameaux du Nord ontarien, leur seul lien avec le monde.

Tout leur arrivait par train: vivres, courrier, visiteurs, bonnes et mauvaises nouvelles, jeux, rêves et même école. Il y avait, effectivement, ces school trains, coques d’acier où un maître s’arrêtait pour un mois.

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Jocelyne Saucier note que Gladys est «franco-ontarienne, donc parfaitement bilingue».

Quand le train s’arrête à Chapleau, j’aurais aimé qu’elle souligne la mort de Louis Hémon à cet endroit. L’auteur de Maria Chapdelaine a été happé par un train et est enterré à Chapleau où le centre culturel porte son nom.

Bientôt un film?

Dans le Nord, on n’attend jamais un train à telle heure, car rien n’est moins sûr qu’un horaire. Le temps n’a pas de consistance.

Cette réalité transpire d’un chapitre à l’autre et rend l’intrigue des plus captivante. On cherchera sans doute à tirer un film de ce roman qui se lit en douceur, même assis sur un banc inconfortable du Northlander.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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