Un jour dans la vie d’un élève… au 19e siècle

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Publié 22/04/2020 par Michèle Villegas-Kerlinger

Depuis quelques semaines, les écoles en Ontario, à l’instar de bien d’autres provinces au Canada et de nombreux pays dans le monde, sont fermées en raison de la pandémie du CoViD-19.

Des millions d’élèves sont à la maison et ont recommencé, il y a deux semaines, à suivre leurs cours, mais en ligne. Dans bien des cas, un des parents est là, voire les deux, pour encadrer l’enfant et l’aider avec les différentes matières. Mais, comment était l’école au 19e siècle, bien avant l’ère numérique?

Des écoles, oui, mais pas pour tous

Projetons-nous en arrière au Québec du 19e siècle. C’est l’époque où une myriade de petites communautés religieuses arrive de France pour fonder des collèges et des couvents un peu partout.

Peu à peu, l’école se démocratise, du moins jusqu’à la première communion, car, à part les jeunes hommes destinés au sacerdoce, rares sont les enfants, surtout à la campagne, qui poursuivent leurs études au-delà de leur douzième anniversaire.

Les quelques heureux élus qui ont la chance de continuer leurs études doivent savoir lire et écrire facilement s’ils veulent être admis au cours classique du Collège de Trois-Rivières en 1860.

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Le Séminaire de Québec est encore plus exigeant. Les jeunes doivent savoir lire et écrire en français et en latin [1], langue qui sera remplacé par l’anglais en 1843.

De plus, il leur faut une petite somme rondelette pour payer les cours et la pension, si on vient de loin. Combien coûte-t-il pour fréquenter l’école au 19e siècle? En 1809, 360 livres, et en 1843, 420 livres. À titre de comparaison, le salaire moyen ne dépasse pas les 300 livres par an.

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Le Collège de Trois-Rivières.

Dix mois sans rentrer à la maison

Mais, supposons qu’on décide de poursuivre ses études et qu’on a les moyens de ses ambitions. Pour se rendre à l’école, le jeune de la campagne prend le boghei, chausse des patins ou y va à pied, ce qui représente souvent une petite trotte de quelques jours.

Et, puisque la plupart des pensionnaires ne rentreront chez eux qu’au bout de dix mois, il faut qu’ils fassent soigneusement leurs valises: couchette, matelas ou paillasse [2], oreillers, draps et couvertures, ustensiles de table, brosses et peignes [3], cirage pour les souliers, ainsi que l’indispensable pot de chambre.

L’uniforme obligatoire de tout collégien consiste en une casquette du style militaire bleu marine, une ceinture de laine et un long capot assorti qui cache le genou, souvenir, avec ses nervures blanches le long des coutures, de l’ancienne soutane des élèves du Séminaire de Québec des siècles précédents [4].

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Peu à peu, l’uniforme se modifie pour finir par disparaître complètement lorsque le clergé adopte le costume civil.

Une journée typique à l’école

Nos élèves d’aujourd’hui se plaignent-ils des cours qui commencent à 8h30 ou à 9h? Voici l’emploi du temps des collégiens pensionnaires au 19e siècle:

4h50 On se lève pour les prières [5]

6h Salle d’études surveillée

7h Déjeuner [6]

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7h30 Messe quotidienne

8h Classes

10h Pause

10h15 Classes

11h15 Pause [7]

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11h30 Dîner [8] et récréation

13h Préparation en salle d’études

14h Classes

16h Collation

16h30 Études, suivies de la récitation du chapelet ou d’une conférence par le directeur

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18h30 Souper

19h Récréation

20h Grande prière du soir

20h30 Lecture d’un choix plutôt limité dans certains établissements

21h On se couche

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Un cours classique qui dure huit ans

Côté cours, là encore il y a plusieurs différences.

Les jeunes du 19e siècle suivent ce qu’on appelle un cours classique de huit ans comprenant le français, l’anglais [9], le latin, le grec [10], l’histoire, la géographie, l’arithmétique et les maths (à savoir l’algèbre, la géométrie et la trigonométrie), la physique [11], la chimie, les sciences naturelles, la mythologie, la philosophie [11], l’architecture, le dessin, la musique et le chant choral et, à partir de 1860, l’hébreu dans certains collèges.

Rien que pour le cours de versification, on récite des vers en latin chaque semaine et on mémorise des centaines de vers latins et de longs extraits de tragédies grecques. La rédaction se fait dans toutes les langues du programme et, pour les grandes occasions, on lit de longues adresses en français, en anglais, en latin et en grec.

Une discipline de fer

En plus d’un emploi du temps très chargé, les élèves font l’objet d’une discipline sévère qui, dans les années 1800, a pour objectif de punir toute entorse à la règle.

C’est la tradition judiciaire du Régime français qui veut que toute faute publique ait une réparation publique exemplaire. Le fautif se met à genoux devant ses pairs ou le professeur annonce devant toute la classe qu’un tel a une retenue, perd un congé ou est renvoyé de l’école.

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D’ailleurs, le châtiment corporel est monnaie courante. Le maître a sous la main la férule, cette petite baguette de bois, pour l’abattre sur la paume du fautif. Et que dire du rôle du préfet de discipline dont l’histoire de cette époque est si peu bavarde?

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Le maître et la férule.

Peu de congés

Au 19e siècle, les élèves ont congé le mardi et le jeudi après-midi, moment de répit qui se limite à une promenade en ville pour bien paraître. Rares sont les occasions où les jeunes peuvent passer du temps à la maison de campagne du collège ou aller en ville en compagnie de leurs parents ou de leurs gardiens [12].

Le congé du jour de l’An, le seul pendant toute l’année scolaire (et source de nombreux abus de la part de quelques élèves qui en profitent pour le prolonger d’un jour ou deux), est supprimé à plusieurs reprises par l’évêque.

Que dire de la fin de l’année scolaire, c’est-à-dire le but (les examens) et la récompense (les vacances) de toute une année de sacrifices?

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Au 19e siècle, les examens ont lieu à la mi-août, mais ne durent que deux ou trois jours. Il s’agit d’examens publics, annoncés dans les journaux avec invitations officielles. Politiciens et clergé y assistent à côté des parents. Chaque classe monte sur scène pour passer son examen et présenter un spectacle: récitations, dialogues, pièces de théâtre, lectures, plaidoyers, débats, discours, expériences scientifiques.

Ensuite, c’est la remise des prix dont la liste, en 1854, mesure six pieds de long!

Enfin, les vacances!

Finis les examens, c’est les six semaines de vacances d’été qui commencent le 15 août, lors de la fête de l’Assomption, pour prendre fin le 29 septembre, lors de la Saint-Michel.

Les pensionnaires s’en vont à la maison de campagne du séminaire de Québec à Saint-Joachim [13] où ils ont le grand luxe de dormir jusqu’à 6h30 pour passer ensuite leur temps à travailler à la ferme, à se promener, à jouer un peu et… à étudier. Quatre jours sur sept sont consacrés à l’étude et à la rédaction de travaux.

Par contre, en septembre, les collégiens ont la possibilité d’aller à la chasse.

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En 1844, grâce à certaines réformes, les grandes vacances commencent le 1er août. Seulement six ans plus tard, en 1850, le Collège des Sulpiciens fait l’impensable et relâche ses élèves le 15 juillet. Pourtant, l’année suivante, tous les collèges emboîtent le pas.

Par contre, les vacances d’été sont toujours de six semaines, car on a avancé la rentrée au 1er septembre. C’est alors qu’on parle de deux mois de vacances à commencer le 1er juillet, projet qui deviendra réalité en 1860. Vers la fin du 19e siècle, c’est la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin, et puis le début de l’été, le 21 juin, qui annonce les grandes vacances.

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Séminaire de Québec Petit Cap à Saint-Joachim.

Les cours en ligne, une solution de rechange

L’école a beaucoup évolué au cours des deux derniers siècles, heureusement! Peu importe le revenu de la famille, les garçons et les filles fréquentent l’école jusqu’à la 12e année et au-delà s’ils le désirent.

Leur emploi du temps, leurs cours, les congés et les vacances leur permettent aujourd’hui de participer à bien d’autres activités. La discipline met l’accent plus sur l’éducation que sur la punition.

Et maintenant, grâce à Internet, on peut offrir des cours en ligne et garder le contact entre professeurs, élèves et parents.

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Quoique très peu de personnes soient prêtes, en temps normal, à remplacer les cours en classe par des cours en ligne, en situation de crise c’est une solution de rechange qui n’existait pas avant.

Notes

[1] Depuis un très jeune âge, les Québécois écoutaient les prières récitées en français et en latin.

[2] Les matelas de plumes étaient interdits.

[3] Il ne fallait pas oublier le petit peigne contre les poux.

[4] C’est la même soutane portée par Mgr de Laval au Collège de Laflèche, devenue par la suite l’uniforme de tous les collégiens au Québec.

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[5] En hiver, on pouvait faire la grasse matinée jusqu’à 5 h 25. Les externes, qui ne côtoyaient pas les internes, avaient le loisir d’arriver à l’école à 7 h 30.

[6] Bien que les écoles annoncent une nourriture saine, la réalité laisse beaucoup à désirer: tranche de pain ou tartine pour la collation; soupane et tartines au déjeuner, bouilli de boeuf au dîner et veau ou ragoût au souper, le tout arrosé de thé ou de café. Quelques collèges, mieux lotis, ont une ferme.

[7] Il s’agissait d’un exercice spirituel: examen de fautes commises, lecture pieuse et récitation du chapelet.

[8] Le dîner se déroulait dans un silence surveillé, agrémenté d’une lecture sérieuse faite à voix haute par les élèves plus âgés; dans certaines écoles, il y avait même un examen de contrôle.

[9] Depuis 1814 environ

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[10] Enseigné sous le Régime français et de nouveau à partir de 1830.

[11] Enseignée en latin

[12] Les élèves sont toujours sous une étroite surveillance.

[13] En opération jusqu’en 1825, date à laquelle des ennuis financiers ont forcé le séminaire à la fermer et à renvoyer les élèves chez eux.

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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