Originaire de Fauquier, dans le Nord-Est ontarien, Hélène Koscielniak (née Poitras) signe un premier roman intitulé Marraine, qui s’étend sur 550 pages. Entreprise de taille pour une néophyte qui, je le souligne tout de go, a réussi à bien architecturer son projet d’écriture, à bien camper ses personnages et à bien mener son intrigue.
Marraine met en scène des personnages attachants. D’abord Normande et Gilles Viau, un couple qui n’a pas d’enfant et qui vit à Kapuskasing en 2004. Puis Gabriella Vellera et ses enfants qui vivent dans un bateye ou agglomération pour travailleurs agricoles remplissant les tâches de coupeurs de canne à sucre, à la frontière de la République dominicaine et de Haïti. À l’insu de son mari, Normande s’inscrit auprès de l’agence Secours aux démunis et elle marraine le jeune Jolino, 10 ans, fils de Gabriella.
Le lecteur est dès lors plongé dans deux univers contradictoires: pauvreté vs aisance, être vs paraître. La partie du roman qui se passe à Kapuskasing se loge à l’enseigne de la clandestinité puisque Normande cache sa démarche de marraine à son mari. Celle qui se déroule en République dominicaine est teintée à la fois d’intrépidité et d’interdiction puisque Gabriella est une mère batailleuse et une femme qui allume le désir chez un autre Canadien, le missionnaire Mark Gilman, né à Toronto.
On sent que la romancière a beaucoup réfléchi à la psychologie de ses personnages. Elle écrit que Normande trouvait heureux que, grâce à son cerveau, «l’être humain puisse garder secret son monde intérieur! […] Il était possible de vivre toute une vie clandestine dans ce cosmos intime sans que quiconque ne s’en aperçoive.»
Dans le cas de Gabriella, elle nous la montre en train d’accoucher, se demandant si son enfant va naître pessimiste, mélancolique, craintif… «Le mal de la pauvreté allait-il jusqu’à fouiller les entrailles d’une mère pour léser une vie avant même qu’elle ne voie le jour?»