De temps à autre — moins souvent qu’on ne l’aimerait, admettons-le —, un premier album annonce l’arrivée d’une plume assurée, capable de se mettre au service d’un regard pénétrant sur la condition humaine. Le lancement de Aimer les monstres, en 2013, confirmait qu’en plus des talents qu’on lui connaissait (comédien, metteur en scène, réalisateur), Émile Proulx-Cloutier comptait d’emblée parmi les meilleurs auteurs-compositeurs de sa génération.
Mais Émile est le premier à admettre que son regard est le fruit d’un travail acharné sur un matériau coriace. «Écrire des chansons en français, c’est comme tailler de la roche», expliquait-il récemment aux étudiants de Parlons chanson avec Dominique Denis. «C’est dur, ça résiste. C’est une langue qui demande du muscle. Mais elle en vaut la peine.»
Le psychiatre Carl Jung disait: «Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité.» Vous avez vous-même décrit vos chansons comme des «coups de sonde». Qu’essayez-vous d’éclairer avec Les mains d’Auguste?
L’élan est d’abord physique, sensoriel.
En spectacle, je présente toujours cette chanson ainsi: «J’adore regarder les mains des gens. Certaines mains sont tellement marquées par la vie, des fois j’aurais le goût de prendre l’aiguille d’un tourne-disque, de la déposer dans les lignes de ces mains-là, et de démarrer l’appareil, juste pour entendre toutes les histoires cachées dans leur paume».