Lê-Phuong, sexagénaire native de Saigon, célèbre ses 40 ans de vie au Canada cette année. Notre premier pays, c’est notre mère. On immigre une première fois lorsqu’on sort d’elle, pour faire face à son propre destin. Voici leur histoire de réfugiée, de la mère à la fille.
La mère de Lê-Phuong est née en 1926 dans la petite province de Rach-Gia au Sud Vietnam. Nguyêt Anh vit une enfance heureuse au sein d’une famille aisée jusqu’en 1941 où «le Japon envahit le Vietnam en une seule nuit», raconte-t-elle dans ses mémoires.
Le Viet Minh, ligue pour l’Indépendance du Vietnam, voit le jour dans le but de lutter contre l’impérialisme français et japonais, générant une période de guerre civile incessante avec les guérillas. «La vie de tous les jours devient particulièrement périlleuse, non pas dans les grandes villes sous le contrôle des Japonais, mais dans les villages en milieu rural. Pour cette raison, mon père m’envoya vivre à Saigon», rapporte Nguyêt Anh.
Installée avec ses deux sœurs dans un couvent de la capitale vietnamienne, Nguyêt Anh connaît une seconde fois le chaos lorsqu’en 1942 les alliés des Nations-Unies entrent en guerre contre le Japon et l’Allemagne. La mère de Lê-Phuong doit encore se camoufler sous les bombes. Elle se marie à Saigon en 1950 en toute intimité.
«Il était très dangereux d’organiser tout événement social. La guérilla pouvait à tout moment lancer des grenades pour nous terrifier ou nous tuer.» Quatre ans plus tard, les Accords de Genève (1954) divise le Vietnam: Nord et Sud. La guerre civile éclate à nouveau: entre le communisme du Nord et le Sud Vietnam.