Vivons-nous dans une société de mythes? C’est la question, si étrange soit-elle, que l’on peut se poser à la lecture du livre de Gérard Bouchard, au titre quelque peu énigmatique, Raison et déraison du mythe, récemment publié aux Éditions du Boréal. Et le sous-titre, Au cœur des imaginaires collectifs, ne peut qu’inciter à en découvrir le contenu, puisque l’imagination semble en être l’élément essentiel.
Pour entrevoir dans quelles perspectives s’engage l’auteur, il faut citer le début de son introduction, également reproduit en quatrième de couverture, ce qui en souligne l’importance. Il sera ensuite possible d’en aborder le contenu.
«Il existe dans toutes les sociétés, celles d’aujourd’hui comme celles d’hier, des valeurs et des croyances qui en viennent à exercer un tel ascendant qu’elles s’imposent aux esprits. D’origine religieuse ou non, elles jouissent d’un statut qui leur permet d’échapper en grande partie à la contestation…
Ainsi, qui voudrait rejeter les libertés civiles en Angleterre, l’égalité des citoyens en France, le droit de propriété aux États-Unis, ou bien l’égalité des races en Afrique du Sud, ou encore l’égalité homme-femme au Québec?»
Cet énoncé pose un problème. Bouchard semble mettre dans le même panier ce qu’il appelle des valeurs ou des croyances religieuses ou non, et des réalités acquises, libertés, droit de propriété, égalité, ou des objectifs à atteindre comme l’égalité des races ou entre homme et femme. S’agit-il là de mythes? Il semble bien que oui, pour Bouchard: «En d’autres mots, comment naît un mythe?»
Le mythe social
Pour répondre à ces questions fort intéressantes, ou plus exactement tenter d’y répondre, Bouchard débouche sur ce qu’il appelle le mythe social, une expression de l’historien George Sorel (1847-1922) dans ses Réflexions sur la Violence (1908).