Le «Réveil algérien» est suivi de près à Toronto

Un véritable mouvement multigénérationnel

Dundas Square 16/03/2019
En anglais, en arabe ou en français, les slogans dénonçaient le maintien au pouvoir du président Boutéflika.
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Publié 18/03/2019 par Alicia Blancher

Après des manifestations à Ottawa et Montréal, ce sont les Algériens de Toronto qui se sont mobilisés samedi dernier pour soutenir les appels au changement politique dans leur pays d’origine.

Alors que le président Abdelaziz Boutéflika avait annoncé sa candidature pour un cinquième mandat début février, le peuple est descendu massivement dans les rues pour exprimer son mécontentement, malgré les interdictions de manifester à Alger depuis 2001.

Ce mouvement multigénérationnel et pacifique, salué par le monde entier, est déjà baptisé par la presse internationale comme le «Réveil algérien».

Dundas Square 16/03/2019
Samedi dernier, les drapeaux algériens ont envahi le Yonge-Dundas Square pour soutenir le mouvement.

Au pouvoir depuis 20 ans

Le président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, annonce le 10 février son intention de briguer un cinquième mandat… malgré son absence de la scène politique depuis un AVC en 2013.

Organisés sur les réseaux sociaux, des dizaines de milliers de personnes se rassemblent dans la rue dès le 22 février, dans tout le pays, pour s’opposer à une nouvelle candidature du chef de l’État.

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Miloud Chennoufi

«Cette mobilisation est massive», explique à L’Express Miloud Chennoufi, professeur au département des études de la défense au Collège militaire royal de Toronto.

«C’est du jamais vu, car elle ne se déroule pas que dans les grandes villes, et parce qu’elle fait descendre toutes les catégories sociales dans les rues. Des hommes, des femmes, des jeunes, des chômeurs… mais aussi des professionnels qui ne manifestent jamais, tels que les avocats et les juges.»

Face à la contestation populaire grandissante, le président Bouteflika annonce le 11 mars le retrait de sa candidature… mais aussi le report des élections, prolongeant de facto son mandat actuel.

«Les moments de joie et de célébration ont donc été de courte durée, lorsque les manifestants ont appris les conditions du gouvernement», souligne Miloud Chennoufi.

Néanmoins ce recul du pouvoir en place est source d’espoir pour les Algériens, qui sont déterminés à maintenir la pression.

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Dundas Square 16/03/2019
Le report des élections est perçu pour beaucoup comme un moyen de s’accrocher au pouvoir pour Boutéflika.

«La magie des réseaux sociaux» 

C’est en partie sur Facebook que les Algériens se sont organisés pour préparer leurs manifestations. Mais les réseaux sociaux permettent également à la diaspora algérienne de se tenir au courant des événements.

«La magie des réseaux sociaux, c’est que l’on vit les choses en temps réél», témoigne Miloud Chennoufi.

Comme cet ancien journaliste installé il y a 22 ans au Canada, de nombreux membres de la communauté algérienne torontoise ont encore des proches dans le pays. Afin de soutenir ces derniers, ils étaient près de 150 à manifester samedi dernier au Yonge-Dundas Square.

Dundas Square 16/03/2019
Hommes, femmes, enfants, ce rassemblement à Toronto était à l’image du mouvement en Algérie.

«Ce sont les jeunes qui sont à l’initiative de cet événement», souligne Assia, installée depuis 17 ans au Canada.

Ce rassemblement n’était pas du ressort de l’Association algérienne du Grand Toronto (AAGT), se positionnant comme apolitique, tout comme les mobilisations à Ottawa organisées sur les réseaux sociaux.

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«Cela fait 10 ans que je vis au Canada, et c’est la première fois que je vois les Algériens aussi unis», témoigne Amine, un des initiateurs de la manifestation.

«On veut une Algérie forte, moderne, libre et indépendante», ajoute-t-il.

«Ce n’est pas à mon ex de choisir ma nouvelle femme» 

 

Voici l’un des slogans que l’on retrouve bien souvent sur les pancartes dans les rassemblements en Algérie. En effet, ces derniers ne souhaitent pas seulement le départ du président Bouteflika, mais bien plus largement la fin du système en place, souvent affilié à la corruption.

«On n’arrêtera pas de manifester tant qu’il n’y aura pas de changement radical», affirme Amine Bemsaibi, présent au Yonge-Dundas Square.

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Dundas Square 16/03/2019
Si les sujets étaient sérieux, l’ambiance était bon enfant.

Ce désir de «divorcer du passé» est dû à la perte de confiance du peuple algérien dans le gouvernement, qui ne représenterait plus la volonté populaire.

Ces doutes sont également présents au sein même de la police et de l’armée, ce qui explique en partie la non-répression de cette mobilisation, selon Miloud Chennoufi.

«En l’absence de violence et de slogans idéologiques lors des rassemblements, les militaires risqueraient de désobéir aux ordres du gouvernement. De plus, au-delà d’une certaine taille, il serait contre-productif de réprimer les manifestations», nous explique-t-il.

Dundas Square 16/03/2019
TOZ peut se traduire par «même pas en rêve».

Conférence nationale

Afin de répondre à cette mobilisation, le gouvernement a annoncé la tenue prochaine d’une conférence nationale, incluant les partis d’opposition, pour se mettre d’accord sur la date des futures élections et un changement de la constitution. Mais comment prendre en compte l’opinion des Algériens dans la rue?

«C’est une auto-organisation, et non un parti politique ou une association. Cela pose un véritable problème de représentation», souligne Miloud Chennoufi, qui s’attend donc à la poursuite du mouvement.

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De plus, ce dernier pointe du doigt une autre difficulté: «Les Algériens veulent changer de système et décapiter le gouvernement, mais sans alternative articulée».

Dundas Square 16/03/2019

Le scénario d’une assemblée constituante

Parmi les solutions envisagées par les plus politisés, l’idée d’une assemblée constituante semble convaincre.

Mais là encore, la mise en place d’un tel système, dont la seule mission est de produire une nouvelle constitution, ne se ferait pas sans obstacle.

«Il y a de nombreux clivages politiques en Algérie, il sera donc difficile pour les parlementaires librement élus de se mettre d’accord. À titre d’exemple, après 2011, les Tunisiens se sont déchirés pendant trois ans pour aboutir à quelque chose, tandis que le société civile était déjà très bien organisée politiquement», rappelle Miloud Chennoufi.

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Si ce dernier reconnaît donc que ce scénario est risqué, en partie à cause du facteur islamiste toujours errant, et qu’il nécessite un certain degré de maturité politique, l’ancien journaliste reste optimiste.

«Le peuple algérien a surpris le monde entier avec cette extraordinaire mobilisation pacifique, et peut-être qu’ils nous surprendront encore».

Le «Réveil algérien» n’a pas fini de faire parler de lui.

Nael Shama
Plus d’un million de manifestants à Alger, le vendredi 8 mars. (Photo: Twitter)

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