Écriture soignée et soyeuse

Les chambres obscures, de Jean-François Villeneuve

roman Lévesque éditeur
Jean-François Villeneuve, Les chambres obscures, roman, Montréal, Lévesque éditeur, 2018, 150 pages, 24 $.
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Publié 24/03/2019 par Paul-François Sylvestre

Journaliste-photographe dans plusieurs médias québécois, Jean-François Villeneuve a publié un premier roman intitulé Les chambres obscures. Le titre renvoie aussi bien à des pièces peu éclairées qu’aux chambres noires d’un photographe.

D’après quelques années mentionnées ici et là dans la narration, le roman débute en 2014, à Montréal où Karim, 19 ans, pose des questions sur ses origines. Au lieu de répondre, le père adoptif le lance dans une chasse aux trésors en ex-URSS. Karim s’apprête à «naviguer en périphérie, circuler à contre-courant».

Éviter de déranger le présent

C’est six jours après la mort de son père, que Karim quitte Montréal pour Krasnodar, à 1 200 km au sud de Moscou. «J’avance non pas vers le mur qui est tombé depuis près d’un quart de siècle, mais vers celui érigé par les silences de mon père.»

Parce qu’il faut parfois éviter de déranger le présent en ressassant le passé, Karim trouve que la vie de son père semble à la fois tout près et inaccessible. Cette vie fait l’objet de nombreux flash-backs où on suit les traces du père photographe à Srebrenica, en Afghanistan et en Tchétchénie dans les années 1990.

Expressions inusitées

Quand l’auteur décrit une langue, il y va d’expressions inusitées. «Les pattes-d’oie qui s’accentuent aux sons en i, les contractions de sa bouche pour les autres voyelles, et sa langue telle un diapason, la mâchoire qui se resserre pour les consonnes dures…»

L’écriture de ce premier roman est tendre, soignée et soyeuse. Le style demeure finement ciselé, voire imagé comme en font foi ces deux courts extraits: «les gouttes bouillantes me glacent le dos»; «ma vie est une toile tachée de quelques éclaboussures de couleur qui forment une constellation dénuée de sens».

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couverture
Mario Cyr, Planètes, nouvelles, Montréal, Annika Parance Éditeur, coll. Sauvage, 2018, 96 pages, 16 $.

Planètes

Je vous signale un autre ouvrage d’une écriture soignée et soyeuse: Planètes de Mario Cyr et Laetitia Giraud. Vous devez cependant vous attendre à des textes épurés, voire éthérés. Il s’agit d’un recueil de ce qui me semble être des nouvelles ou parfois de très courts portraits.

Le nom d’une personne n’est jamais mentionné dans ces quelque 35 textes. Il est question de Tu, Il ou Elle. Tout est dit en quelques lignes – de 3 à 15 – ou quelques fois en deux ou trois pages. Chaque paragraphe est une seule phrase, même si cela s’étend sur une page et demie.

Voici un exemple d’un texte complet: «Elle est si blême, diaphane, et cette chambre est si fade, si délavée que la couleur qui tombe de ton pinceau crépite, c’est de la foudre liquide, du bonbon à la cannelle, un pétard de carnaval, un grelot, tu souffles sur ses ongles, ranges ton attirail, la lime, le flacon, elle admire le résultat, coquette, et les infirmières approuvent.»

Cela vous donne une idée du fin ciseleur de mots que sont Mario Cyr et Laetitia Giraud. Quant à l’éditeur Annika Parance, il fait preuve d’originalité en plaçant le nom et le logo de la collection en page couverture (rien d’autre); le titre et le nom de l’auteur figurent au verso!

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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